Книга: Ibsen H. «Peer Gynt»

Peer Gynt

Производитель: "Anaconda"

Peer, du l&252;gst!, l&228;sst Henrik Ibsen zu Beginn seines glanzvollen dramatischen Gedichts Peer Gynts Mutter Aase ausrufen und ein L&252;gner ist ihr Sohn in der Tag: ein Prahlhans, ein Fabulierer, der sehns&252;chtig alles Fantastische&252;ber die n&252;chterne, elende Wirklichkeit stellt. Zusehends verschwimmen die Grenzen zwischen Tr&228;umerei und realit&228;t, und schon bald ger&228;t der abenteuerhungrige Bauernsohn auf der Suche nach Ansehen und Wohlstand in das d&228;monisch-mythische Reich der Trolle Ibsens Peer Gynt, 1876 uraufgef&252;hrt, wurde zu Recht of mit Don Quijote und Faust verglichen. Diese Ausgabe pr&228;sentiert Ibsens meisterhaftes Versdrama in der einzigartigen&220;bersetzung von Christian Morgenstern.

Издательство: "Anaconda" (2016)

ISBN: 978-3-86647-793-3

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IBSEN (H.)

IBSEN (H.)

Devant le tribunal de la postérité, dont les arrêts le préoccupèrent tant de son vivant, le Norvégien Henrik Ibsen a lieu de se plaindre. Ce n’est pas qu’il ait été inconnu ou méprisé, au contraire. Mais peu d’œuvres auront été aussi mal comprises, aussi injustement déformées, accaparées pour les besoins de l’heure. Naturaliste convaincu, symboliste troublant, plus lourd de thèses que Paul Bourget ou François de Curel, socialiste, philosophe, anarchiste, tenant de l’irrationnel, zélateur de la révolte...: les étiquettes abusives cachent ce que les fameuses « brumes du Nord » nous laissaient entrevoir. Il vaut pourtant la peine de « démythifier » Ibsen et son œuvre dramatique: on découvre alors un homme d’une stature peu commune, Norvégien avant tout, inintelligible sans une bonne connaissance de la psychologie de ses compatriotes, Européen aussi, sensible à tous les souffles de son époque; un génie qui a proposé – et personnellement vécu – une conception de l’homme et du monde que l’avenir n’a pas désavoué aujourd’hui; un homme de théâtre enfin qui a su faire vivre intensément sur scène des hommes et des femmes d’une saisissante vérité. De plus, le moindre mérite de cet écrivain qui fut poète autant que dramaturge n’est pas l’extrême variété de l’œuvre, la diversité des thèmes souvent contradictoires, la plasticité d’une inspiration qui évoque un trait de l’une de ses plus admirables créations: cette Dame de la mer dont les yeux changeaient de couleur selon l’état de l’océan.

Assimilation des influences

Henrik Ibsen est né à Skien, au sein d’une famille nombreuse. Son père se ruina dans les spéculations et se mit à boire pour se consoler; sa mère donnait dans le mysticisme. Le couple finira par se séparer. L’atmosphère qui régnait à la maison, une nature peu communicative aussi valurent au jeune Ibsen une enfance solitaire, repliée sur elle-même. À seize ans, on l’envoie à Grimstad, servir de commis d’« apothèque » au pharmacien Reimann. Il y reste six ans, y fait ses premières et malheureuses expériences amoureuses, y écrit ses premiers poèmes, d’un romantisme mélancolique et volontiers macabre. L’intérêt principal de cette période résulte des influences innombrables qu’il subit et s’efforce d’assimiler: il s’en tient, pour l’heure, aux romantiques nationalistes norvégiens, comme H. A. Wergeland, ou danois, comme A. G. Oehlenschläger.

Ambitieux et autodidacte, il passe et réussit le baccalauréat à Kristiania puis essaie sans conviction des études de médecine auxquelles il renonce bientôt. En revanche, il s’intéresse beaucoup à la politique et à la littérature et publie, en 1850, sous le pseudonyme de Brynjolf Bjarme, un drame en vers, Catilina , inspiré de Salluste, essai de jeunesse maladroit, mais qui contient quelques-uns de ses grands thèmes futurs: celui de la vocation, par exemple, celui aussi du combat que mènent dans l’âme humaine des forces antagonistes. La même année, il écrit Le Tertre du guerrier (Kjoempehøien ) qui inaugure la série des pièces consacrées aux antiquités norroises ou au folklore norvégien. Il remaniera cette œuvre pour la faire jouer à Bergen, en 1854, avec un médiocre succès. À Kristiania, il est entré à la rédaction de la revue Andhrimmer à laquelle il donne des poèmes, des articles de critique et une parodie satirique du livret de la Norma de Bellini.

Inconnu et sans ressources, il passe à Bergen comme instructeur et auteur au « Théâtre norvégien » où il reste six ans, extrêmement féconds et importants car, metteur en scène suppléant, il va y apprendre son métier. Des bourses de voyage en Allemagne et au Danemark élargissent son horizon. Outre celle de Ludvig Holberg, il fait trois découvertes capitales: celle de Shakespeare, qui inspirera une comédie-féerie, La Nuit de la Saint-Jean (Midsommernatt , 1853); celle de Kierkegaard dont la philosophie le marquera définitivement; celle surtout du livre de Hermann Hettner, Das moderne Drama (1852) qui lui apprend que le conflit, dans une tragédie historique, doit être de nature psychologique, que conflit et thèmes doivent avoir valeur intemporelle. Il applique aussitôt ces préceptes dans sa première pièce importante: Dame Inger de Østraat (Fru Inger til Østraat ), écrite et jouée en 1855 (publiée en 1857). On y voit en effet comment un sujet tiré du fond historique norvégien se hausse au niveau d’une étude psychologique et morale – Dame Inger avait pour mission de relever le peuple norvégien, elle y a manqué parce qu’elle était femme et mère – tandis que, dans la facture, se manifeste l’influence de Scribe qu’Ibsen admire vivement et dont il restera toujours l’imitateur. Les sagas islandaises inspirent La Fête à Solhaug (Gildet på Solhaug , 1856) qui fut son premier grand succès, et les chants populaires norvégiens (folkeviser ) fournissent le sujet d’une pièce lyrique, Olaf Liljekrans (1856), qui est un échec. Il s’essaie à tous les genres, se familiarise avec tous les styles.

En 1857, il se fiance à Susannah Thoresen et l’épouse l’année suivante. Ibsen venant d’être nommé directeur artistique du nouveau théâtre de la capitale, une seconde pièce tirée des sagas islandaises et écrite dans un style qui cherche à imiter leur ton laconique, Les Guerriers de Helgeland (Hoermoendene på Helgeland , 1858), remporte un éclatant succès. On y trouve le personnage d’Ornulf qui, comme Egill Skallagrímsson autrefois, enchante ses chagrins par la poésie, idée chère à Ibsen et qui peut fournir une justification de toute son œuvre. Hélas! la même année, le théâtre fait faillite. Les ennemis d’Ibsen, que ses altières prises de positions sur la politique de l’art exaspèrent, se déchaînent; il connaît un moment de dépression malgré la naissance de son fils Sigurd, doute de soi, ne parvient pas à sortir d’une demi-misère, boit. Le voici hanté par l’un des problèmes essentiels de sa vie et de son œuvre: comment choisir entre vocation artistique et rêve de bonheur humain, entre devoir et liberté? L’un des poèmes qu’il écrit à cette époque, intitulé Sur les hauteurs (1859), accuse ce déchirement: que faire pour concilier l’aspiration vers l’idéal (« Les hauts fjelds me conviennent seuls ») et la médiocrité du quotidien (« Fade est la tâche de chaque jour »)?

Les années 1860-1861 sont particulièrement sombres: à plusieurs reprises il songe au suicide. Pourtant, un long poème épique, Terje Vigen (1861) amorce un redressement: il chante la magnanimité héroïque d’un homme qui, à force de volonté, parvient à oublier amertume et soif de vengeance. Mais La Comédie de l’Amour (Kjoerlighedens Komedie , 1862), refonte d’une ébauche de 1859 intitulée Svanhild , reflète le pessimisme de l’auteur et annonce les drames contemporains de la grande époque. C’est une satire cruelle de l’amour, sentiment périssable entre tous (sans doute l’union avec Susannah, femme énergique, autoritaire, dominatrice n’a-t-elle pas apporté à Ibsen tout ce qu’il en attendait), une satire du mariage, coutume hypocrite où pour la première fois le « mensonge vital » est fustigé sans ambages, thème dont on verra la fécondité. La nouveauté de la pièce déconcerta le public. Ibsen ne la fera rejouer qu’en 1873. En revanche, les Prétendants à la Couronne (Kongsemnerne , 1863), qui reviennent à l’histoire du Moyen Âge norvégien – les rivalités entre le roi Håkon Håkonsson et le jarl Skúli – connaissent la faveur du public. Malgré les souvenirs shakespeariens et l’influence de Björnson, la grande idée ibsénienne de la lutte entre vocation impérieuse et ambition minée par le doute constitue la trame de cette œuvre. Ibsen a maintenant fait ses premières armes. Mais il étouffe dans la Norvège traditionaliste. Il vient d’obtenir un poste de conseiller littéraire du Théâtre de Kristiania, avec une intéressante bourse de voyage: il va s’exiler pour vingt-sept ans.

Les œuvres fondamentales

Ibsen se fixe d’abord à Rome: l’influence des pays méridionaux le libère, tandis que la distance lui permet de juger de ses préoccupations passées avec plus de recul. En même temps se dégagent de la diversité de ses essais quelques lignes de force qui vont désormais sous-tendre toute l’œuvre. À Saint-Pierre, en 1864, il connaît une sorte de révélation: il découvre « sous une forme puissante et claire ce qu’il a à dire »; l’idée de Brand est née, en vérité, si l’on s’en tient aux seuls thèmes, il ne fera jamais que réécrire cette pièce sous toutes les formes possibles. Parallèlement, il prend conscience de sa mission: il doit décrire pour guider son peuple, le tirer de sa torpeur, lui donner le goût de sa grandeur. Brand (1866), qui fut d’abord un poème épique et dont l’auteur a pu dire: « C’est moi-même dans mes meilleurs moments », est le premier chef-d’œuvre d’Ibsen. Pièce confuse et contradictoire où apparaît nettement cette fascination des extrêmes inverses qui dénote l’influence de Hegel et qui confère au théâtre ibsénien cette ambiguïté que tant de critiques n’ont pas su comprendre. Catilina , déjà, voulait peindre, selon son auteur, « la contradiction entre ce que l’on désire et ce qui est possible, ce qui est en même temps la tragédie et la comédie de l’humanité et de l’individu ». Sous un puissant symbolisme naturel, dans une forme impeccable, en vers d’une belle maîtrise, les grandes voix tonnent: mépris de la lâcheté, de « l’esprit veule » dont l’auteur accuse ses compatriotes, idéal sans compromission de la vocation à laquelle il faut tout sacrifier, de la personnalité qui doit pouvoir s’exprimer sans entraves. Ce qui suppose un individualisme forcené (« Place, sur la terre entière, pour être pleinement soi »), un idéalisme absolu qui résume la célèbre formule du « Tout ou rien » (« L’esprit de compromis, c’est Satan »); et donc de la volonté (« C’est de vouloir qu’il s’agit », « Il est vain d’aider un homme qui ne veut rien que ce qu’il peut »). Il faut tout sacrifier à la vocation personnelle, et Brand immole sa femme et son fils. Toutefois, on prendra garde de ne pas s’aveugler sur cette inhumaine rigidité: l’idéal de Brand est une « église de glace », et la pièce prend soin d’opposer à Brand sa femme, Agnès, toute d’amour et de tendresse. La dernière réplique: « Dieu est charité » laisse la porte ouverte à une interprétation encore plus nuancée. Trop de rigueur morale revient à trop de faiblesse: « Toute construction tombera, qui veut monter jusqu’aux étoiles. » N’importe! L’œuvre est d’une sauvage grandeur épique, envoûtante de dépouillement et de tension, et son éclatante réussite prouve que les Norvégiens entendirent la leçon.

Cependant, Ibsen qui vient de recevoir une pension revient à la charge, comme s’il craignait d’avoir été mal compris, en proposant, cette fois, en 1867, une sorte d’épreuve négative de Brand : c’est Peer Gynt , poète hâbleur, vaurien presque irresponsable qui fuit devant le devoir, le vouloir et la réalité. Le Grand Courbe lui a appris à « faire le tour » au lieu de se colleter à la vie; menteur, lâche, rêveur, incapable, égoïste, ni son charme, ni sa fantaisie que pimentent d’innombrables allusions au folklore norvégien ne le sauveraient du néant s’il n’était racheté par le profond, le délicat amour que lui a gardé la douce Solveig. Ibsen a donc repris cette exigence impérieuse de personnalité que revendiquait Brand; et, au passage, il ne craint pas d’éreinter le romantisme nationaliste (les scènes chez le vieux de Dovre); mais, sous sa forme shakespearienne, la pièce, toute en nuances, alla beaucoup plus loin encore que Brand et Edvard Grieg ne s’y est pas trompé.

Installé maintenant à Dresde à cause de l’éducation de son fils, Ibsen refait en quelque sorte Peer Gynt en écrivant L’Union des jeunes (De Unges Forbund , 1869) dont le personnage principal, Stensgaard, est « Peer Gynt devenu politicien ».

Mais depuis quelque temps, des poèmes de l’époque le prouvent, le dramaturge s’ouvre à de nouvelles préoccupations. Mené par sa passion de l’individualisme et donc par son dégoût du collectif, il s’oriente vers des vues assez anarchistes: toute politique est tyrannique, liberté signifie libération. Il écrit à Georg Brandes, le 11 février 1871: « Enterrez la notion de l’État, présentez le libre consentement et tout ce qui s’y rattache dans l’ordre spirituel comme la seule condition nécessaire pour un groupement, voilà le commencement d’une liberté qui a quelque valeur. »

Ce problème de la liberté, conjugué à des soucis religieux et aux enseignements qu’il retire de sa lecture de Hegel, de Schopenhauer, de Renan, de Brandes, l’amène à s’interroger sur l’histoire de l’humanité. Démontre-t-elle la possibilité de concilier liberté individuelle et nécessité, c’est-à-dire, peut-on vouloir autre chose que ce que l’on doit, les événements ne sont-ils pas la seule motivation de nos prétendus actes libres? Et, quelle que soit la réponse, comment interpréter l’histoire? Les buts poursuivis se raccordent-ils aux réalisations obtenues? Telles sont les grandes questions qui hantent les deux pièces L’Apostasie de César (Coesars Frafald ), L’Empereur Julien (Kejser Julian ) qu’Ibsen publie ensemble, en 1873, sous le titre d’Empereur et Galiléen (Kejser og Galiloeer ). Œuvre touffue, obscure, confuse à plus d’un titre, à la fois étude historique, analyse de caractère, essai philosophique. En suivant l’évolution de Julien l’Apostat, Ibsen semble vouloir accuser l’opposition entre idéal païen de beauté et d’humanisme, et le mépris chrétien de ce monde; la solution serait ce « troisième empire » qui ferait la synthèse – Hegel, toujours présent – des bons aspects de l’un et de l’autre, « l’empire du grand secret, le royaume qui sera fondé à la fois sur la science et sur l’arbre de la croix, car il les révère et les aime tous deux, il prend ses sources vives dans le bosquet d’Adam et dans le Golgotha ».

Les drames contemporains

Est-ce la conscience de l’impasse où le menaient ces sortes de spéculations? Pendant quatre ans, Ibsen n’écrit plus rien; il voyage beaucoup, se fixant pour quelque temps à Munich, puis revient à Rome. En 1877, avec les Soutiens de la société (Samfundets Stötter ), il inaugure une nouvelle série de pièces, les drames dits contemporains parce que leurs sujets sont pris dans l’actualité, au prix d’une curieuse alchimie littéraire où s’amalgament données réelles, théories sociales, politiques et philosophiques, intentions satiriques et créations de personnages d’une admirable vérité. Sans doute y retrouve-t-on l’influence de B. Björnson qui, avec Le Rédacteur (1874) et Une faillite (1875), rendait, lui aussi, les armes au réalisme; à vrai dire, après avoir sacrifié à tous les genres, s’être intéressé à toutes les époques et conçu tant de théories, il était naturel que, poussé par l’esprit de son temps, Ibsen fût tenté d’incarner ses idées dans des personnages réalistes et contemporains. La satire est nette: « Cette surface fardée et dorée que présentent les grandes sociétés, que cache-t-elle au juste? vide et pourriture, si j’ose dire. Aucun fondement moral à la base. En un mot, des sépulcres blanchis, ces grandes sociétés d’aujourd’hui. » Pourtant, on ne saurait s’en tenir à cela: les drames contemporains n’ont rien de tableaux de mœurs purs et simples; on y retrouve sans peine les idées-thèmes de l’auteur, la soif de vérité qui torture l’individu, et l’affirmation finale: « L’esprit de vérité et de liberté, voilà les soutiens de la société. »

La démarche est plus nette encore dans Maison de poupée (Et Dukkehjem , 1879). La pièce part d’un fait divers, l’histoire de cette Laura Kieler qu’a connue Ibsen; femme d’un professeur, elle a, secrètement, emprunté pour sauver son mari malade et se le verra reprocher ensuite: l’affaire s’était terminée par un divorce. Les thèses féministes, lancées par Camilla Collett, faisaient alors fureur en Norvège et Ibsen, qui avait proposé une femme comme bibliothécaire à l’Union scandinave, à Rome, étudie, comme le voulait l’avant-garde norvégienne, le conflit entre la femme et la société masculine, stigmatisant la « double morale «: une pour l’homme, qui prévaut, l’autre pour la femme; c’est là le procès de l’égoïsme et du cynisme masculins. Maison de poupée exprime aussi, avec une intensité tragique, la difficulté, sinon l’impossibilité de la communication des consciences, l’angoissante dialectique du bonheur et du malheur, les sinistres antinomies entre imaginaire et réel, tandis qu’un thème qui fera long feu affleure à intervalles: notre passé nous suit et nous accable. Et surtout, toute analyse mise à part, il reste deux êtres humains, Nora et Helmer, d’une inoubliable chaleur de vie. Le succès mondial de cette œuvre, qui ne s’est jamais démenti, atteste suffisamment que sa valeur ne réside pas uniquement dans la thèse qu’elle défend.

Un point de départ dans la réalité, des théories souvent audacieuses incarnées en des personnages puissants, le tout servi par un art d’une rigueur, d’une économie et d’une habileté consommées: la formule est au point et sera désormais impeccablement appliquée. Voici Les Revenants (Gengangere , 1881), c’est-à-dire, non seulement les tares héréditaires, mais aussi les idées et les croyances que l’on pensait mortes et qui resurgissent, accablant une femme qui essaie de se réaliser elle-même et de rester fidèle à son meilleur moi. La pièce fit scandale pour avoir évoqué crûment maint sujet tabou, les maladies vénériennes, par exemple, l’inceste, l’ivrognerie, et pour avoir proclamé le droit de l’individu au bonheur contre les conventions morales. Mais rien n’arrête plus Ibsen. Un ennemi du peuple (En folkefiende , 1882) dresse contre « le sol pestiféré » des villes, contre l’attentisme et l’opportunisme des contemporains, contre la bêtise de « la majorité » toujours ralliée à la médiocrité, le Dr Stockmann, « l’homme isolé » qui « est le plus fort ».

Le Canard sauvage (Vildanden , 1884) marque un nouvel infléchissement de l’inspiration. Drame social, celui de l’inadaptation et de l’exploitation des faibles, mais où les théories s’effacent de plus en plus devant la peinture de la psychologie d’un personnage, saisie dans ses zones les plus troubles, et un pessimisme amer y reparaît; rechercher la vérité à tout prix confine à l’aliénation mentale. Surtout, le symbolisme y tient plus de place: malgré les sarcasmes de F. Sarcey, le « canard sauvage » est un puissant symbole pour un enfant du Nord. La même atmosphère désabusée, plus grise encore, règne dans Rosmersholm (1886); on y retrouve des souvenirs du « troisième empire » mais il est bon de savoir que l’idéaliste Rosmer avait un modèle vivant dans l’écrivain suédois Carl Snoïlsky (1841-1903), qu’Ibsen connaissait bien. L’analyse des profondeurs de l’âme humaine nous vaut deux chefs-d’œuvre coup sur coup: La Dame de la mer (Fruen fra Havet , 1888) et Hedda Gabler (1890): il s’agit surtout ici de présenter des caractères exceptionnels, énigmatiques aux autres comme à eux-mêmes et Ibsen y retrouve son inspiration poétique, ce sens du mystère de la vie qui dérouta les contemporains et confère à ces pièces une valeur prophétique.

En 1891, Ibsen est au comble de la gloire. Il va dominer la scène, en Allemagne comme en Scandinavie, pendant vingt ans. Il rentre définitivement en Norvège, accueilli comme chantre des temps nouveaux. Il lui reste quinze ans à vivre, dans le respect et l’admiration enthousiaste de l’Europe et des siens. Et pourtant il n’est pas heureux. Il doute: est-il sûr qu’il faille préférer au simple bonheur humain la satisfaction forcenée de la volonté? La découverte qu’il fait de Nietzsche, dont la pensée s’apparente souvent à la sienne, ne l’apaise pas. Avec Solness le Constructeur (Bygmester Solness , 1892), il dit l’incompatibilité de la vocation et d’une vie heureuse fondée sur l’amour; Solness, c’est lui (« C’est la pièce où j’ai mis le plus de moi-même ») qui rêvait, dès 1853, dans un poème, de « bâtir un château de nuages » tout en jouissant de l’amour d’« une délicieuse fille »; décidément, c’est impossible et Solness tombe du haut de la tour qu’il a bâtie pour sa bien-aimée. Le Petit Eyolf (Lille Eyolf , 1894) et Jean-Gabriel Borkmann (1896) redisent aussi que « Le grand péché sans rémission, c’est de tuer la vie d’amour dans un être humain «: le second drame laisse une impression d’accablement et de tristesse désolée. L’ultime pièce, Quand nous nous réveillerons d’entre les morts (Når vi døde vågner , 1899), qui développe les mêmes idées, n’ajoute rien à une gloire que nul ne contestait plus. Ibsen avait curieusement sous-titré cette pièce « épilogue dramatique » sans penser que ce serait, en effet, sa dernière production. Frappé d’apoplexie en 1901, il meurt à Oslo cinq ans plus tard.

Pontife ou inquiéteur?

Ibsen commente ainsi Rosmersholm pour Björn Kristensen, auquel il écrit: « La pièce traite de la lutte que doit soutenir tout être humain sérieux contre lui-même pour mettre la conduite de sa vie en harmonie avec ses idées... Mais, avant tout, la pièce est naturellement une œuvre littéraire sur des êtres humains et des destinées humaines. » Il est clair, par conséquent, que le théoricien et l’artiste, le penseur et l’homme s’équilibrent dans cette œuvre. Aussi ne saurait-on réduire l’étude d’Ibsen à une nomenclature de thèses ou à une simple analyse esthétique. C’est l’homme Ibsen qui, finalement, fait le prix de son théâtre et si l’on s’appliquait à l’y voir, on apprécierait certainement davantage une œuvre qui, en définitive, résiste bien au temps. Or Ibsen fut un Norvégien, un génie universel et un extraordinaire homme de théâtre.

Un Norvégien

André Bellessort, qui connaissait bien les Scandinaves, voyait en eux « des âmes cellulaires ». Et il est vrai que le milieu nordique est plutôt laconique, replié sur soi, inhibé par une étrange timidité, absorbé dans de pesantes méditations qui ne se font jour que rarement, et alors avec violence, torturé par la nécessité de dire et d’agir et préférant souvent le silence au scandale, la résignation à l’action compromettante. Il s’ensuit que, sous des dehors collectivistes d’ailleurs dictés par les rigueurs du relief et du climat, les Norvégiens sont de farouches individualistes et qu’il n’est pas aisé de les percer à jour. Si Henrik Ibsen insiste tant sur l’intégrité de la conscience morale, dans Maison de poupée , par exemple, c’est qu’il n’a que trop éprouvé la force et comme la densité de cette faculté chez lui comme chez ses compatriotes; de là aussi sa haine de la « compacte majorité », « le pire ennemi parmi nous de la vérité et de la liberté » (Un ennemi du peuple ). Il le dit dans une lettre de 1872: « La minorité a toujours raison »; à Björnson en 1879, il réclame « que l’individu navigue sous son propre pavillon ». Les partis, les clans, les coteries, les idées toutes faites, les idéologies de rechange sont refuges commodes à qui éprouve, en même temps, la complexité de son être et l’extrême difficulté de l’exprimer: trait que les caractères latins, ouverts, bavards, curieux jusqu’à l’indiscrétion, ont toujours quelque peine à voir. L’ennemi juré d’Ibsen aura été le conformisme des Norvégiens, d’autant plus pénible qu’il tient de la résignation tragique. Et quand il exige que chacun soit lui-même, il demande que l’on sorte de cette réserve, de ce silence confortable, pour oser.

Ainsi l’individualisme mène-t-il au culte de la sincérité et au respect de la vocation personnelle: telle apparaît l’idée-force et le leitmotiv de son œuvre. Confort, joie de vivre, bonheur même, tout doit s’effacer devant cette exigence capitale qui peut prendre toutes les nuances possibles. Il l’écrit à Laura Kieler: « L’essentiel est d’être sincère et vrai vis-à-vis de soi-même. Il ne s’agit pas de vouloir ceci ou cela, mais de vouloir ce que l’on doit absolument vouloir, parce que l’on est soi, et qu’on ne peut pas faire autrement. Tout le reste ne conduit qu’au mensonge. » Le mot clef est lâché: cette œuvre qui s’applique inlassablement à distinguer le vrai du faux, à démêler dans l’individu comme dans la société le fabriqué de l’authentique, s’élève durement contre « le mensonge vital », ce mélange d’apathie, de conformisme et de bonne conscience dont souffrent Peer Gynt et Stensgaard. L’auteur y reviendra jusque dans son testament dramatique: Quand nous nous réveillerons d’entre les morts , développe étrangement le thème du remords de n’avoir pu consacrer sa vie à l’action ardente dont, jeune, il rêvait. Mensonge vital ou doute essentiel: il y a des résonances étonnamment actuelles dans la manière dont Ibsen se fustige au cours de la dernière partie de sa vie. Peut-être a-t-il pensé ne pas être parvenu à « se réaliser soi-même «: « l’idéal le plus haut que l’homme puisse jamais atteindre » (lettre à Björnson). De Dame Inger d’Østraat à Solness le Constructeur toute la production théâtrale d’Ibsen insiste sur cette responsabilité qui nous est échue.

Aussi la volonté tient-elle une place majeure chez ce descendant lointain des personnages de sagas qui pouvaient endurer les pires épreuves pour aller jusqu’au bout d’eux-mêmes. Comme celui de Corneille, le théâtre d’Ibsen est une école de volonté, qu’il exalte l’énergie tendue jusqu’à la déraison (Brand ), ou qu’il stigmatise la veulerie (Le Canard sauvage ), voire l’hédonisme (Jean-Gabriel Borkmann ). Rien n’est plus typique aussi que ces excès mêmes d’absolu, avec ce que l’on peut y trouver de fruste ou de primitif, qui déforment tant de personnages, de Brand à Solness en passant par Julien l’Apostat. À la Norvège, Ibsen doit le meilleur, le plus profond de lui-même.

Le génie universel

Pourtant il a su déborder, dépasser le cadre de ses tendances ataviques. Il est ouvert à toutes les préoccupations de son temps et sans doute est-ce l’aspect aujourd’hui caduc de son œuvre, mais ses thèses eurent l’immense mérite de poser maints problèmes brûlants, et elles firent souvent scandale par leur audace. Sa contestation sous forme dramatique de la morale conventionnelle, que G. B. Shaw a appelée « ibsénisme », est aujourd’hui assumée, dépassée ou en pleine action. Mais un certain romantisme de l’absolu ainsi que la conception hugolienne du « poète-mage » paraissent aujourd’hui révolus.

Mais d’autres traits ne doivent rien à aucune époque et suffisent à imposer l’exceptionnelle stature d’Ibsen. Cet aristocratisme, par exemple, qui est la vraie dimension de son individualisme: « Je ne suis vraiment moi-même que lorsque je remue mes pensées dans la solitude »; cette sympathie pour l’isolé, l’homme seul contre tous que sous-entend Un ennemi du peuple. Il y a, au plus intime de cette pensée généreuse, un admirable refus de la médiocrité qui n’a nulle part été mieux rendu que dans Peer Gynt. Et quand on a tout analysé, il reste, comme un continuo inaliénable, ce chant tragique repris de pièce en pièce, sur le mystère de la vie, sur l’énigme aussi de l’impossible, de l’indispensable amour.

L’homme de théâtre

Il reste enfin l’homme de théâtre qui a consacré son existence à un art dont il a su se rendre maître jusqu’à la virtuosité. On a tout dit sur la plasticité d’un génie capable de romantisme, de réalisme, de naturalisme, d’art symbolique, d’expressionnisme, mais constamment fidèle à lui-même sous la diversité des tons et des styles; on peut admirer la rigueur classique de la composition, la palette des genres abordés, l’habileté de ces machineries minutieusement réglées que sont, en particulier, les drames contemporains, le style ferme, jamais vulgaire, toujours racé. Mais relire une pièce d’Ibsen, c’est renouer connaissance avec des êtres humains sortis tout droit de la vie, personnages souvent inexplicables, menés par des forces obscures qui rendent compte de ce climat d’un tragique latent, si caractéristique: ils vivent trop intensément pour que l’on se débarrasse de ces drames en les traitant de pièces à thèse; richesse d’invention et précision de l’observation s’y opposent, de toute manière; les idées ont passé, certaines thèses sont démodées « mais les personnages vivent toujours. Car l’idéologue, par bonheur, était un personnage de théâtre » (R. Kemp).

Pas plus qu’il n’était pontife ou symboliste (P. G. La Chesnais dit fort bien que ses pièces ne sont pas symbolistes, ce sont des pièces où l’on rencontre des symboles), Ibsen ne fut ce « rêveur » que voulait voir en lui André Suarès. Il a aimé la vie de toutes ses forces et s’est assez battu avec la réalité pour la bien connaître. Le lecteur d’aujourd’hui sera certes surpris de découvrir à travers cette œuvre, bien plus qu’une série d’affirmations ou de vaticinations, une constante, émouvante, douloureuse interrogation.

Источник: IBSEN (H.)

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