Книга: Cortazar J. «Los relatos. 2. Juegos»

Los relatos. 2. Juegos

Серия: "El Libro De Bolsillo - Literatura"

La atm&# 243;sfera inquietante que impregna los cuentos de Julio Cort&# 225;zar (1914-1984) y que hace de muchos de ellos lecturas inolvidables proviene no s&# 243;lo de la conjunci&# 243;n del talento con un dominio poco corriente del g&# 233;nero, sino tambi&# 233;n de su decidida apertura a la irrupci&# 243;n de lo ins&# 243;lito en una realidad bajo la cual se siente latir algo m&# 225;s. Esta recopilaci&# 243;n de ?Los relatos? de Cort&# 225;zar en cuatro vol&# 250;menes, ordenada por el propio escritor poco antes de su fallecimiento, sigue criterios de afinidad independientes del orden temporal de su aparici&# 243;n. Los t&# 237;tulos de cada uno de ellos ?&# 171;Ritos&# 187;,&# 171;Juegos&# 187;,&# 171;Pasajes&# 187; y&# 171;Ah&# 237; y ahora&# 187;?, no exentos de iron&# 237;a en alguna ocasi&# 243;n, sugieren las l&# 237;neas de fuerza que aglutinan los respectivos conjuntos de cuentos y que les confieren a menudo nuevas perspectivas y matices.

Издательство: "Alianza" (2012)

ISBN: 978-84-206-0936-2

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КнигаОписаниеГодЦенаТип книги
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CORTÁZAR (J.)

CORTÁZAR (J.)

Le conteur et romancier argentin Julio Cortázar est un franc-tireur de la littérature. Cas complexe et personnel d’insurrection permanente contre les lieux communs, la passivité d’esprit, il rend vie au verbe en créant son propre langage. Son humour subtil, destructeur, sa vision dramatique de l’homme moderne, son inquiétude ontologique alliée à une observation aiguë du quotidien créent des contes originaux, un roman mouvementé et métaphysique. Ses fictions traitent les problèmes de l’homme américain actuel, et les placent sur un plan universel. Devançant tous ses contemporains d’Amérique latine dans le risque et l’innovation, il échappe à toute nomenclature et offre, selon le jugement d’un critique américain, «la plus puissante encyclopédie d’émotions et de visions qui émerge de la génération d’écrivains internationaux d’après-guerre».

Une curiosité universelle

Né à Bruxelles en 1914, instituteur, puis professeur d’enseignement secondaire dans la province argentine, Cortázar renonce, par antipéronisme, à une chaire universitaire, s’occupe ensuite de la Chambre argentine du livre à Buenos Aires, puis termine en un temps record ses études de traducteur, et s’installe à Paris en 1952. Il a travaillé pour l’U.N.E.S.C.O. et a voyagé dans le monde entier.

Parmi les maîtres de la littérature fantastique, Borges et Horacio Quiroga n’ont exercé sur lui qu’une influence superficielle. Ceux qui l’ont le plus fortement marqué sont des Européens: Cocteau, Apollinaire, Radiguet, les surréalistes, et surtout Jarry, chez qui il trouve l’emploi de l’humour comme instrument d’investigation. De plus, lecteur avide d’œuvres d’anthropologie et de religion tibétaine, Cortázar possède une connaissance approfondie du bouddhisme zen et du ved nta.

Un conteur original

Si Cortázar a écrit des vers, donné un poème dramatique: Les Rois (Los Reyes ), des études sur Keats et Poe, des traductions et de nombreux articles, il s’est d’abord fait connaître comme conteur.

Bestiaire (Bestiario ), paru à Buenos Aires en 1951, marque ses débuts éblouissants. Dans un langage d’une totale simplicité, il évoque un monde irrationnel, hallucinant, des situations étranges que le lecteur ne peut oublier.

Une plus grande insistance sur le plan réaliste et une graduelle disparition de l’atmosphère fantastique caractérisent Fin du jeu (Final del juego , Mexico, 1956), qui reprend certains thèmes de l’enfance avec une tendresse ironique. Certains des leitmotive ultérieurs (le temps, le double) y sont abordés de main de maître.

Trois ans plus tard, les cinq fictions des Armes secrètes (Las Armas secretas ) dessinent des personnages bien vivants, poursuivis par des obsessions, des remords, victimes de leur inconscient. Plus longs, plus structurés et médités, ces récits ont tous pour cadre Paris. L’un d’eux a servi de base au film d’Antonioni Blow-Up. Dans El Perseguidor , à travers la vie du saxophoniste noir Johnny Carter, se pose le problème de la conscience créatrice de l’artiste.

Au cours de ses séjours à Rome et à Paris, entre 1952 et 1959, Cortázar écrit un petit livre déconcertant: Historias de cronopios y de famas. Sur un fond de caricature de la vie à Buenos Aires, c’est un choix varié, insolite, de notes, de fantaisies et d’improvisations. Un humour mélancolique, ironique ou violent, plein d’une curieuse poésie s’y déploie dans un style chargé d’images intenses et de trouvailles verbales et psychologiques.

À Buenos Aires, en 1962, paraît une seconde édition de Fin du jeu ; elle contient deux fois plus de contes, et, en un sens, on peut la considérer comme un livre différent.

C’est aussi dans la capitale argentine que paraît le dernier volume de contes de Cortázar, en 1966. Tous les feux, le feu (Todos los fuegos, el fuego ) apporte un enrichissement à l’unité de l’œuvre. Ses personnages sont eux aussi prisonniers de mondes clos ou artificiels. Mais un nouvel élément apparaît: la solidarité. Un des récits, «Réunion», s’inspire directement des Passages de la guerre révolutionnaire (Pasajes de la guerra revolucionaria ) de Che Guevara. Ce recueil entretient des rapports plus profonds et plus humains avec la réalité.

Un romancier métaphysique

Dans ses deux grands romans, Cortázar institue à la fois plusieurs dimensions. Chacun est à lui seul plusieurs livres.

Les Gagnants (Los Premios , Buenos Aires, 1960), réunis par le hasard à bord du Malcolm , se groupent ou s’affrontent dans l’espace clos du bateau, où l’insolite fait son apparition dès le début. Mais cette croisière se double d’un voyage intérieur de chaque passager vers la confrontation avec lui-même dans la recherche de sa propre réalisation. À l’intérêt psychologique et sociologique s’ajoute une dimension métaphysique grâce aux soliloques de Persio, qui donnent de la réalité courante une vision plus structurelle et poétique.

Ce roman, d’un intérêt soutenu, où l’humour et le drame se mêlent, présente en même temps une évocation intelligente et neuve de la complexe réalité argentine.

Lors de sa parution en 1963, Marelle (Rayuela ) provoque l’enthousiasme. Carlos Fuentes compare cette œuvre à la boîte de Pandore. Premier roman latino-américain à se prendre lui-même comme sujet central, il invite le lecteur à participer au processus créateur. En dehors de la vie d’Oliveira, à Paris et à Buenos Aires, jusqu’à sa fin énigmatique (suicide ou folie?), Marelle est la chronique d’une extraordinaire aventure spirituelle, une dénonciation imparfaite et désespérée de l’establishment dans le domaine des lettres. Rien d’étonnant à ce qu’on ait pu le comparer à l’Ulysse de Joyce. Points de vue esthétique et métaphysique s’y rejoignent contre la dialectique vide de la civilisation occidentale et la tradition rationaliste.

Dans sa dernière œuvre parue, Le Tour du jour en quatre-vingts mondes (La Vuelta al día en ochenta mundos , Mexico, 1967), Cortázar met en scène sa femme, son chat, lui-même et ses amis, morts ou vivants: Carlos Gardel, Louis Armstrong, Julio Silva, José Lezama Lima. Il y précise ainsi sa conception du cronopio : «La juxtaposition de la vision enfantine et de la vision adulte fait le poète, le criminel, le cronopio et l’humaniste.» Il répond aux critiques, porte des jugements, prend parti sur des problèmes brûlants, rappelle des souvenirs, égrène quelques confidences, donne des recettes magiques... Ce livre ne se laisse pas résumer; il donne au lecteur l’impression passionnante d’avoir partagé pendant quelques instants l’intimité d’un écrivain actuel terriblement vivant et intelligent.

Un destructeur

Un des problèmes qui préoccupent le plus Cortázar est celui du temps: il cherche à en détruire les notions conventionnelles, et procède de même pour l’espace. Ainsi, un personnage se trouve simultanément victime d’un accident de moto dans le Buenos Aires contemporain, et proie de la «guerre fleurie» des Aztèques; un autre franchit le passage de Güelmes dans la capitale argentine des années quarante pour se retrouver passage Vivienne, dans le Paris de Lautréamont; une lettre répond à celle qui n’est pas encore reçue; une jeune fille assimile son ami actuel à un Allemand qu’elle a connu vingt ans auparavant, sous l’occupation. Ponts et planches sont les symboles du passage d’un temps à l’autre.

Les catégories habituelles de l’entendement éclatent, les principes logiques sont mis à l’épreuve, même le principe d’identité n’est pas épargné.

Cette irrationnalité de l’œuvre ne doit cependant pas faire illusion et la rejeter dans la littérature d’évasion. Si les premiers contes de Cortázar dénotent une tendance à l’esthétisme, ils n’en poursuivent pas moins une analyse destructrice de la bourgeoisie argentine pré-péroniste; pour l’auteur, en effet, l’exercice de la littérature est un acte révolutionnaire par nature, un instrument de réforme et de rénovation. C’est parce qu’on «ne peut transformer l’homme sans transformer ses instruments de connaissance» qu’il s’attaque directement au langage, après en avoir utilisé toutes les techniques formelles.

Humoriste visionnaire, théoricien littéraire redoutable, rénovateur infatigable, Julio Cortázar, profondément argentin, est avant tout un homme libre. Il a sa place, avec le Mexicain Octavio Paz, à l’avant-garde de la littérature contemporaine.

Certains critiques reprochent à Cortázar de pratiquer de plus en plus l’interpénétration des genres. Ils le récusent comme conteur, et encore plus comme romancier. Scandalisés par ses cronopios , d’autres regrettent ce qu’ils appellent son goût de l’arbitraire, le plaisir qu’il semble prendre à surprendre le lecteur. Il faut enfin reconnaître que son style systématiquement allusif ainsi que son hyperintellectualisme rendent l’œuvre d’accès difficile pour le lecteur non averti.

Nouvelles recherches techniques

Marelle a été pour Julio Cortázar l’aboutissement d’une lente maturation. Mais c’était aussi un livre de propositions sur les manières possibles de concevoir différemment le réel et sur les formules littéraires capables d’exprimer ce regard différent. De ce point de vue, l’écrivain a tenu ses promesses puisque la suite de son œuvre apparaît comme un prolongement de certaines tentatives et un approfondissement des idées alors simplement esquissées.

Cette continuité se manifeste d’abord dans 62. Maquette à monter (62. Modelo para armar , 1968), titre qui renvoie implicitement au chapitre LXII de Marelle où était défini un projet littéraire dont ce nouveau récit sera la réalisation. Il s’agissait de trouver une manière de raconter qui rompe aussi clairement que possible avec la tradition narrative, en quelque sorte une extension de ce qui est déjà fait dans Marelle , mais cette fois-ci dans un sens sans doute plus précis: la rupture avec les conventions devait surtout porter sur la nature des relations entre les personnages. À partir de certaines découvertes sur le caractère chimique de la pensée, Cortázar constatait en effet: «... Une simple extrapolation suffit pour postuler un groupe humain qui croit réagir psychologiquement au sens classique de ce vieux, vieux mot, mais qui ne représente qu’un stade de ce courant de la matière vivante, des interactions infinies de ce qu’autrefois nous appelions désirs, sympathies, volontés, convictions et qui apparaissent ici comme quelque chose d’irréductible à tout raisonnement et à toute description.»

62. Maquette à monter n’a donc pas une intrigue précise mais plusieurs intrigues superposées et incomplètes, une somme de virtualités narratives souvent à peine amorcées et très vite avortées. Le lecteur a affaire à des personnalités imprécises à la psychologie insaisissable, parfois à l’identité trouble, évoluant dans un monde dont les repères temporels et spatiaux sont faussés, se dissolvent ou s’effacent. Certes, il semble que tous les personnages masculins soient en fait l’expression des facettes changeantes et parfois contradictoires de la personnalité de l’écrivain (l’Argentin et le fonctionnaire international, l’homme aimé ou rejeté...); de même que chacune des femmes de ce roman incarne un des aspects de la féminité telle que la conçoit Cortázar (virginité, sentimentalisme, perversité...). Mais les comportements de ces personnages échappent bel et bien aux classifications habituelles, en particulier par leur côté résolument ludique, et si l’on doit trouver une explication à ces comportements elle se trouve non pas dans une explication psychologiste, mais dans la volonté de l’auteur de créer là une œuvre ouverte, c’est-à-dire un univers dont le sens n’est pas donné à l’avance. D’où la précision du titre, «maquette à monter», qui suggère que le livre doit être un montage personnel du lecteur, justement par la variété des lectures que permet le refus d’une narrativité traditionnelle. Chacun peut donc trouver dans 62. Maquette à monter des lambeaux de sa propre expérience, mais toute recherche d’une image du réel que le romancier aurait préalablement (et secrètement) ordonnée s’égarera immanquablement dans le labyrinthe d’une étrange structure en spirale. Chaque tentative pour mettre un mot trop définitif sur les choses se heurtera à l’humour, à la poésie, au fantastique et à l’absurde d’un récit qui se déroule en constant décalage par rapport à la logique ordinaire. Par ce moyen, il s’agit pour Cortázar de faire apparaître sans les nommer les pulsions qui animent l’existence au-delà de toute interprétation rationnelle possible.

La synthèse de l’inconciliable

Dernier Round (Último Round , 1969) représente aussi un approfondissement des conceptions artistiques de Cortázar, puisqu’il y démontre une très bonne maîtrise de la technique du collage et du montage inaugurée dans Marelle et perfectionnée dans Le Tour du jour en quatre-vingts mondes. C’est un mélange d’autobiographie, de réflexions sur les sujets les plus divers, d’essais, contes, poèmes, dessins, photographies et documents de toutes sortes. Le dénominateur commun de ces matériaux est l’insolite, que l’auteur utilise comme moyen de déplacer et déranger le lecteur. Plus directement engagé dans l’actualité que les romans, Dernier Round parle de la misère en Inde, précise les idées de Cortázar sur l’art, la littérature et le rôle de l’écrivain, reproduit les slogans de Mai-1968 en France, etc. Mais cette hétérogénéité n’est pas gratuite: «Il n’est pas rare, dit Cortázar, que [...] la présentation successive de plusieurs phénomènes hétérogènes crée instantanément une saisie des choses d’une homogénéité éblouissante.» L’effet recherché s’apparente à ce qu’il appelle par ailleurs la «coagulation», quelque chose comme la manifestation brève et soudaine d’un ordre caché.

Un rôle assez semblable est assigné également à la poésie, dont Julio Cortázar publie un recueil en 1971, Pameos y Meopas : «... l’image poétique aussi est re-présentation d’éléments de la réalité usuelle articulés de telle sorte que leur système de relation favorise cette même entrevision d’une réalité autre». C’est pour des raisons probablement identiques qu’il a inauguré depuis quelques années un procédé nouveau: le texte écrit à partir de photographies ou de dessins, notamment avec Buenos Aires, Buenos Aires (1968), Prosa del observatorio (1972), Silvalande (1975) et Le Bestiaire d’Aloys Zötl (1976). Car il s’agit bien, dans ces œuvres, de textes à partir de et non sur : il n’est pas certain, en effet, que les photographies sur Buenos Aires et sur l’observatoire de Jaï Singh en Inde, que les dessins de Julio Silva et ceux d’Aloys Zötl soient là pour eux-mêmes. Ce sont plutôt des «ponts», des «interstices» ou des «intercesseurs» (pour reprendre des mots de Cortázar) permettant précisément d’accéder à cette «réalité autre», d’atteindre cette fulgurante homogénéité, ce lieu, hors du temps et de l’espace, où s’annulent les contradictions.

Littérature et engagement politique

Réaliser ainsi la synthèse de ce qui semble a priori inconciliable, c’est là une obsession constante chez Cortázar, et cette obsession va trouver une expression nouvelle dans le Livre de Manuel (1974): «Personnellement, dit-il dans l’introduction de ce roman, je ne regrette pas cette hétérogénéité qui a même fini, heureusement, par ne plus me sembler telle après un long processus de convergence: si, pendant des années, j’ai écrit des textes relatifs aux problèmes latino-américains en même temps que des romans ou des nouvelles d’où ces problèmes étaient absents ou n’affleuraient que par la bande, ici et aujourd’hui les eaux se sont mêlées, mais il n’a pas été facile de concilier les deux courants...» Le Livre de Manuel met effectivement en scène un groupe et quelques individualités, comme dans tous les romans de Cortázar: or, si jusque-là le premier servait surtout de faire-valoir aux secondes, il n’en est pas de même dans le Livre de Manuel où l’habituelle marginalité du groupe cesse d’être purement «esthète» (comme elle l’est dans Marelle ou 62. Maquette à monter ) pour devenir révolutionnaire. De ce fait, le groupe (la «Joda») devient aussi important que l’individualité principale (Andrés), et c’est justement autour d’un conflit éthique entre l’un et l’autre que s’articule la matière du roman. Le problème posé est dès lors sensiblement nouveau par rapport aux préoccupations antérieures de l’écrivain: comment concilier ces deux besoins contradictoires, être en accord avec soi-même et agir avec les autres? Comment répondre à un besoin impérieux d’action collective, efficace, sans renoncer à une part essentielle de soi-même? On sent que Cortázar ne s’est peut-être jamais mis aussi pleinement en question que dans le Livre de Manuel , et c’est ce qui en fait l’importance particulière. L’auteur prête à Andrés son propre regard à peine transposé, faisant de lui un « intellectuel de gauche» revenu de presque tout, un esthète bien trop préoccupé par ses problèmes personnels pour leur préférer une action politique dont il ne voit pas toujours la valeur. Andrés est lié à ses amis révolutionnaires latino-américains et français par un même refus de l’ordre établi: mais il est rebuté par l’infantilisme de quelques-uns, le totalitarisme en germe de certains autres. Il envie pourtant leur foi en l’avenir, une foi qui s’exprime symboliquement dans la composition d’un recueil de coupures de journaux, un livre pour Manuel, l’enfant de deux d’entre eux: ces articles de presse (authentiques, et qui pour la plupart concernent l’Amérique latine) reflètent la violence et la bêtise d’un monde que tous espèrent transformer au profit de la génération suivante. Mais Andrés est trop profondément engagé dans l’existentiel pour s’en remettre à une idéologie et comme tous les héros de Cortázar il ne sait pas, pour sa part, où trouver cette vérité que tous recherchent. Balloté par des forces qu’il ne parvient pas à contrôler, il éprouve le sentiment d’un manque qu’il est incapable d’identifier: «Je suis un homme qui a une mission à accomplir, mais alors même que je le sais et surtout que je le sens, je n’ai pas la moindre idée de ce que peut être cette mission.»

Le groupe et Andrés suivent donc deux trajectoires parallèles, pratiquement indépendantes pendant la majeure partie du roman, et c’est là, de toute évidence, l’expression littéraire des propres contradictions de Cortázar. Puis, il semble que le jusqu’au-boutisme des uns et de l’autre va provoquer la convergence et la rencontre: alors que la Joda se lance dans l’enlèvement d’un diplomate sud-américain, Andrés parvient, à la suite d’une sorte de descente aux Enfers, à se dépouiller des tabous personnels qui l’empêchaient de franchir le pas. Il rejoint donc le groupe, mais par des voies plus instinctives que dialectiques, aidé notamment par ses sentiments pour son amie Ludmilla, ralliée à la Joda. Or, l’interférence entre l’histoire d’amour et l’intrigue politique fait qu’on ne sait pas quel sens donner au comportement du personnage: y a-t-il vraiment «conciliation des deux courants» (histoire individuelle et engagement collectif) ou est-ce que tout ne se ramène pas finalement à l’histoire personnelle? La question reste, à dessein, sans réponse, à moins qu’on ne considère comme des réponses le fait que, depuis, Cortázar milite pour les Droits de l’homme et ait renoncé à la nationalité argentine pour se faire naturaliser français. Le Livre de Manuel est donc aussi, comme toujours chez Cortázar, une œuvre ouverte. Par conséquent, il est normal d’y retrouver nombre de procédés formels déjà utilisés dans d’autres romans pour marquer la distance à l’égard de la narration conventionnelle. On connaît déjà, par exemple, l’intégration à la fiction de ces coupures de presse qui servent autant à la critique du langage (certains articles ne sont inclus que pour leur valeur lexico-sémantique) qu’à la dénonciation de la réalité sociale. Toutefois, la formule narrative de l’œuvre se ressent énormément de la nette prise en compte de cette réalité, jusque-là laissée au second plan: la volonté de justification de l’auteur a en quelque sorte freiné cette fois-ci l’approfondissement de l’expérience littéraire, au point que ce livre semble marquer un certain retour au récit construit. Il s’organise, en particulier, autour d’une intrigue (l’enlèvement du diplomate) et suit la trajectoire personnelle du héros, avec une très claire focalisation narrative sur ce dernier.

Du conte comme univers parallèle

La transgression des lois du récit trouve donc ses limites dans le Livre de Manuel où, en même temps qu’une évolution des préoccupations de l’écrivain, se laisse entrevoir une stabilisation des procédés d’expression. On verra désormais Cortázar apporter son soutien actif aux victimes de la dictature argentine, à la révolution cubaine, au mouvement sandiniste (Nicaragua si violemment doux , 1983), essayant de concilier cette attitude responsable avec sa liberté d’artiste: «On ne doit pas sacrifier la littérature à la politique, ni banaliser la politique au nom d’un esthétisme littéraire», disait-il vers la fin de sa vie. Refusant l’étiquetage idéologique, il milite surtout pour la défense des droits de l’homme au sein d’organisations comme le Tribunal Russell ou Amnesty International. Il s’essaye bien encore aux jeux surréalistes de naguère, dans un livre insolite, Les Autonautes de la cosmoroute (1983), mais on sent la formule usée et la magie n’opère plus. En revanche, on constate que les contes, qu’il continue d’écrire, auront été la partie la plus stable et solide de son œuvre. Les derniers recueils, Octaèdre (1974), Façons de perdre (Alguien que anda por ahí , 1977), Un certain Lucas (1979), Glenda, nous l’aimons tant (Queremos tanto a Glenda , 1980), Heures indues (Deshoras , 1984), manifestent en effet une nette fidélité à un esprit et une manière qui étaient déjà ceux des Armes secrètes . L’analyse de ces recueils montre évidemment l’abandon de certains traits rappelant par trop la manière de Jorge Luis Borges (visibles notamment dans Fin du jeu ) au profit de sujets plus actuels. Mais tous les contes sont construits autour d’une même structure faite d’équilibre entre réalité quotidienne et imaginaire, et les modalités de réalisation passent par des chemins toujours semblables: part importante du jeu à la signification symbolique («Vientos alisios», «Manuscrito hallado en un bolsillo»), manifestation de forces incontrôlées qui dominent le personnage («Cuello de gatito negro», «Estío», «En nombre de Boby»), suggestion d’un monde angoissant («Reunión con un círculo rojo») qui, maintenant, se confond souvent avec celui de l’oppression politique («Segunda vez», «Grafitti», «Satarsa»). Chacun de ces récits peut être considéré comme une variation sur un même thème ou, comme le suggère le titre d’un des recueils, l’une des facettes d’un même polyèdre. À l’image de toute l’œuvre de Cortázar, ils sont autant de portes ouvertes sur un autre univers.

Le dernier paradoxe de Julio Cortázar, mort en 1984, est que, ayant passé la plus grande partie de sa vie à Paris, naturalisé français, il n’aura pas cessé pour autant d’être une des expressions les plus pures de la culture argentine.

Источник: CORTÁZAR (J.)

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