Книга: Gide A. «Journal des Faux-monnayeurs»

Journal des Faux-monnayeurs

Производитель: "Gallimard-Folio"

Серия: "L`imaginaire"

Издательство: "Gallimard-Folio" (1995)

ISBN: 978-2-07-074116-8

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GIDE (A.)

GIDE (A.)

Chaque écrivain possède son image d’Épinal, au travers de laquelle la société le glorifie pour mieux l’assimiler; or l’œuvre de Gide, dont toute la vie fut préoccupée par le rôle et la responsabilité de l’écrivain, est une sorte de machine à déjouer et à déconstruire les images, à défaire les mythes. La formule qu’il place en épigraphe à ses Morceaux choisis (1921) le portraiture en un aphorisme bref: «Les extrêmes me touchent.» Il y a un désir gidien d’être insaisissable, quitte à décevoir ou à scandaliser. Ainsi écrit-il L’Immoraliste (1902), apparente apologie du désir comme volonté de puissance, mais pour lui faire succéder La Porte étroite (1909), qui semble au contraire magnifier une éthique du renoncement au désir même; ou encore compose-t-il les provocantes Caves du Vatican (1914) à la grande joie des jeunes surréalistes, mais c’est apparemment pour mieux assurer leur déconvenue en publiant en 1919 La Symphonie pastorale , tout imprégnée de protestantisme.

Il ne s’agit pas seulement d’une «morale de l’ambiguïté». Dans cette attitude, il y a une sorte de compulsion joyeuse à brouiller les cartes, mais également la certitude plus grave que le destin de l’artiste et celui de l’œuvre ne s’exaucent que dans le parcours total de tous leurs possibles. C’est peut-être par cette dernière dimension que Gide peut fasciner: d’autres écrivains ont pu paraître plus audacieux, aucun n’a mis tant d’obstination à explorer la subjectivité conçue comme l’espace du multiple, du dialogique, de l’ambivalence, et à faire de cette exploration un destin, une œuvre, ou, pour mieux le dire: une œuvre-vie.

De l’enfance à l’écriture

L’enfance de Gide, né à Paris, n’est pas le lieu d’un enracinement: la mort de son père lorsqu’il a onze ans, la vie austère avec sa mère, pieuse et riche protestante, les crises nerveuses qu’il connaît très tôt, cet onanisme précoce qui lui vaut à huit ans d’être renvoyé de l’école, une scolarité très erratique, le sentiment intense d’angoisse mêlé de jouissance que, à côté de la réalité, existe une «seconde réalité» («La croyance indistincte, indéfinissable à je ne sais quoi d’autre, à côté du réel, du quotidien, de l’avoué»)... Tout Si le grain ne meurt (1926) sera composé de séquences où l’enfance apparaît comme un univers désorienté, tour à tour divisé, obscur et dédoublé. On a le sentiment d’assister à des scènes traumatiques dans lesquelles le héros, comme hébété et anxieux, suit obscurément un itinéraire chaotique et nébuleux: avec, à onze ans, un cri étouffé par les sanglots, qu’il répète devant sa mère, lors d’un Schauderntremblement») de tout l’être: «Je ne suis pas pareil aux autres.»

Parmi toutes ces scènes, il en est une plus fondamentale; c’est la découverte, à treize ans, de sa jeune cousine Madeleine Rondeaux, en pleurs et en prière du fait de l’inconduite de sa propre mère, Mathilde: «Je sentais que, dans ce petit être que déjà je chérissais, habitait une grande, une intolérable tristesse, un chagrin tel que je n’aurais pas trop de tout mon amour, toute ma vie pour l’en guérir. [...] Je découvrais soudain un nouvel orient à ma vie.» Ce «nouvel orient», dans ce mouvement enfantin d’amour et de compassion pour sa cousine, constitue l’une des premières dimensions de l’aventure littéraire de Gide. Certes, Les Cahiers d’André Walter , publiés en 1891, à vingt-deux ans, sont largement tributaires d’autres rencontres: celle de Pierre Louýs à l’École alsacienne en 1887, qui lui fera connaître Mallarmé, Valéry et l’entraînera dans les salons littéraires du post-symbolisme. Gide, du petit garçon rechigné qu’il était, est devenu une sorte d’esthète, de Narcisse, très influencé par la littérature contemporaine. Cependant, si Madeleine reste déterminante, c’est que la demande d’amour qu’il formule à son endroit à l’occasion de ce premier récit est traversée par une exigence contradictoire: passion exclusive mais qui passe par la dénégation de toute relation sexuelle. L’originalité du roman, qu’on retrouvera de manière presque analogue dans La Porte étroite , c’est le pari par lequel le renoncement au désir apparaît non point comme refoulement du corps mais comme demande d’une relation d’autant plus absolue et totale qu’elle évite la dimension sexuelle.

Les refus répétés de Madeleine, le voyage de Gide en Afrique du Nord en 1893, où il assume pour la première fois son homosexualité, déboucheront malgré tout sur le mariage entre les deux cousins, peu après la mort de MME Gide, en 1895. Mariage blanc et qui le restera: «C’est le ciel que mon insatiable enfer épousait», écrit Gide dans les dernières lignes de Si le grain ne meurt . Toute la vie de Gide est aimantée par ces deux postulations du ciel et de l’enfer, cette attirance angélique et cet appel plus souterrain du diabolique.

L’Afrique du Nord: le dépaysement

On connaît la célèbre phrase adressée par Gide en 1897 à Maurice Barrès, chantre du nationalisme: «Né à Paris, d’un père uzétien et d’une mère normande, où voulez-vous, monsieur Barrès, que je m’enracine? J’ai donc pris le parti de voyager.» On retrouve là l’idée d’une origine marquée par la division et le dédoublement, mais, surtout, contre l’enracinement dans la terre des morts, l’apologie du nomadisme. Celui-ci eut une patrie idéale: l’Afrique du Nord, pour laquelle Gide s’embarqua pour la première fois à vingt-quatre ans avec son ami Pierre Laurens. De 1893 à 1900, Gide y retourne à six reprises, jusqu’à en faire le séjour de son voyage de noces avec Madeleine en 1895-1896. Gide a longuement raconté, dans Si le grain ne meurt , l’expérience pédérastique, l’expérience de liberté, sa rencontre avec Oscar Wilde et ce qui s’ensuivit, mais il serait réducteur de limiter cette aventure à une seule de ses dimensions. De ces premiers voyages, Gide a recueilli la substance de livres importants: Les Nourritures terrestres (1897), des «journaux», comme Feuilles de route et surtout ceux, moins connus, qui ont été recueillis dans l’admirable Amyntas (1906), et un roman, L’Immoraliste (1902). On pourrait ajouter que c’est au retour de son premier séjour qu’il peut écrire Paludes (1895): ce livre, qui contient peu d’allusions à l’expérience du désert, est néanmoins un livre jumeau des Nourritures terrestres qui, lui, en est comme saturé. Dans ces deux écrits s’opère la même rupture à l’égard du symbolisme et du «fétichisme» littéraire de l’époque: par l’ironie (Paludes n’est autre que l’histoire d’un monsieur qui écrit Paludes ...) ou par le lyrisme (Les Nourritures terrestres exaltant le désert contre la littérature de laboratoire), il s’agit bien de s’affranchir de la mystique du livre par une écriture de la présence, de la sensation et de l’immédiat. L’Immoraliste opère une sorte de synthèse entre toutes ces découvertes libératrices. Lors de son voyage de noces avec sa femme Marcelline, le héros, Michel, englué dans le savoir et l’érudition, fait au travers de la maladie (une tuberculose identique à celle dont Gide souffrit en Algérie en 1894) l’expérience d’une sorte de résurrection par laquelle toutes ses valeurs se voient inversées. Le voilà immoraliste jusqu’au point où, lors d’un second voyage, alors que c’est Marcelline qui tombe malade, il la laisse mourir pour rejoindre le «glissement clandestin d’un burnous blanc»: celui d’un jeune Arabe, Moktir.

On le voit, l’Afrique du Nord apparaît pour Gide comme une seconde naissance, d’où il revient porteur d’une nouvelle dimension de lui-même dont il nourrira une grande partie de son œuvre et qui sera comme un contre-poids à la part morale, protestante, parfois mystique, qu’il contient par ailleurs en lui.

Le diable et le Christ

Ce qui caractérise les diverses expériences gidiennes, c’est que chacune, loin d’effacer la précédente, s’ajoute au contraire à elle, comme pour mieux compliquer les choses. Le «mariage du ciel et de l’enfer» par lequel Gide résume son union avec sa cousine Madeleine est aussi et peut-être avant tout une manière de se caractériser soi-même. Le parcours littéraire et existentiel qui le mène des années 1900 jusqu’à la rupture que constituera son grand voyage en Afrique noire de 1926 n’a pas d’autre enjeu. Le Journal , qu’il tient depuis son adolescence et qui s’épanouit particulièrement alors, l’atteste au même titre que son œuvre. Son écriture quasi quotidienne lui permet d’explorer l’existence dans ses postures les plus contradictoires. C’est bien alors parce que le vécu y est obstinément décrypté dans ses dimensions les plus fondamentales comme les plus insignifiantes que Gide peut y déployer tous les ressorts d’un dialogue moral avec lui-même. Il permet de saisir comment André Gide conçoit la création de La Nouvelle Revue française en 1908, aux éditions Gallimard: comme le lieu d’une interrogation sur la responsabilité éthique de l’artiste qui passe par une critique radicale de la facticité du monde littéraire, mais aussi comme l’occasion de rassembler, malgré leurs différences et à cause d’elles, une génération d’écrivains non compromis: Claudel, Proust, Valéry, Jammes, Martin du Gard, Suarès... Toujours dans le Journal , il cherche à maintenir intensément présent un dialogue avec le Christ qui, loin d’être un assujettissement à une Église quelconque, se veut une méditation sur le message de joie, ici et maintenant, des Évangiles et, pour faire bonne mesure, à conduire parallèlement un dialogue avec le diable: celui de la faute mais également celui grâce à qui on lève enfin le voile sur ce qu’on «cache de l’homme» et qui fascine. Dans le Journal , enfin, on remarque le désir de traquer la vérité partout, y compris pendant la guerre de 1914-1918, où Gide, jour après jour, décrypte les mensonges de la propagande officielle et jette sur la guerre et sur l’«union sacrée» un regard particulièrement démystificateur. Plus profondément, c’est son propre mensonge que Gide, dans ces pages, s’attache à lever: l’événement le plus radical à cet égard est le geste par lequel Madeleine brûlera toutes ses lettres («ce qu’il avait de plus précieux au monde») en apprenant le départ de son mari pour l’Angleterre en 1917 avec son amant, Marc Allégret.

Au cours de cette période, Gide développe une activité critique très importante, d’où sortiront les deux volumes Prétextes (1903) et Nouveaux Prétextes (1911), tout à la fois textes polémiques (contre Barrès, Maurras...) et exercices d’admiration (Goethe, Stevenson, Nietzsche, Wilde...), qui se poursuivent avec la publication de son grand livre sur Dostoïevski en 1923. Il s’exerce, sans grande réussite publique, au théâtre, avec notamment Le Roi Candaule (1901), Saül (1903), où là encore le religieux, le diabolique et la sensualité traversent sur un mode quasi shakespearien l’expérience gidienne d’une exploration méthodique du bien et du mal. Sur le plan romanesque, outre La Porte étroite (1909), dont le projet est très ancien, la véritable innovation, ce sont évidemment Les Caves du Vatican (1914) et Les Faux-Monnayeurs (1926). Dans le premier roman, il s’agit, au travers du héros, Lafcadio, sorte de dandy anarchiste, de prolonger et d’exalter le thème de l’«acte gratuit» déjà en germe dans des œuvres précédentes comme le Prométhée mal enchaîné (1899). Ce roman parodique ridiculise simultanément le catholicisme bourgeois, au travers du thème du pape imposteur, et le positivisme libre-penseur: entre les deux se tient Lafcadio – bâtard, donc libre – qui commet un crime sans motif, comme pour déstabiliser tout à la fois la psychologie du roman traditionnel et le consensus moral de la société. Les Faux-Monnayeurs , plus ambitieux, reprend les grands thèmes gidiens; mais le livre se caractérise surtout par la technique radicale de la «mise en abyme», déjà expérimentée précédemment: le roman dans le roman. La narration tourne circulairement sur elle-même puisque son personnage principal, Édouard, écrit une fiction – Les Faux-Monnayeurs – sans y parvenir. Ce jeu de miroir n’a rien de gratuit; il a pour but d’introduire dans l’univers romanesque ce que Gide appelle un «indice de réfraction» qui permet à la fois de déjouer la linéarité de l’intrigue et d’introduire tout un jeu de distanciation dans la perception du lecteur. Cette technique fait de Gide le véritable fondateur du roman moderne, tout à l’opposé du roman psychologique ou naturaliste. Elle sera reprise par le nouveau roman, qui en fera le moteur d’une révolution esthétique. Cependant, Gide, fidèle à son principe de contradiction, écrira parallèlement des récits marqués par un classicisme très pur (Isabelle , 1911) ou par une écriture plus limpide (La Symphonie pastorale , 1919).

La rupture de 1925

Le 14 juillet 1925, Gide s’embarque avec Marc Allégret, alors apprenti cinéaste, pour un voyage d’un an au Congo et au Tchad dont il rapportera Voyage au Congo (1927) et Retour du Tchad (1928), qui marquent un retournement important: Gide, jusque-là très distant à l’égard du discours politique, s’engage pleinement dans la dénonciation du système colonial tel qu’il s’applique alors dans l’Afrique noire française. En réalité, le regard critique de Gide à l’égard de la société française s’était déjà exercé: notamment avec la publication en 1914 des Souvenirs de la cour d’assises , dans lesquels il décrit le fonctionnement de la machine judiciaire, puis avec celle de Corydon (1924), «dialogue socratique» où il remet en cause la normativité sexuelle de son temps et réfute la perception courante de l’homosexualité comme pathologique; de la même manière, la liaison qu’il connaît avec Élisabeth Van Rysselberghe, dont naîtra sa fille Catherine en 1923, s’inscrit dans son désir de ne pas s’assujettir aux normes conformistes de la société. Avec l’Afrique, Gide va cependant plus loin. Il ne veut pas seulement déjouer les normes morales, mais remettre en cause tout un système économique et social. Les deux journaux de voyage tenus en Afrique apparaissent comme le modèle même d’une «écriture engagée»: au récit au jour le jour, qui mêle aussi bien des notations ethnographiques, florales, politiques, économiques, s’ajoute tout un appareil de notes, écrites au retour, qui argumente, développe, de manière parfois didactique, la blessure que Gide a ressentie au contact de la violence et de l’humiliation subies par les Africains.

Ce retour d’Afrique s’accompagne également d’une distance de plus en plus nette à l’égard de sa fascination pour le discours religieux et, à partir du début des années 1930, d’un rapprochement avec l’U.R.S.S. et le Parti communiste, dont il devient une sorte de compagnon de route. Le Journal se révèle un témoignage précieux de ces diverses transformations: étrangement, Gide ne perçoit pas cet engagement comme une réelle rupture; il a le sentiment d’avoir toujours été communiste et voit dans le Christ le premier révolutionnaire. Le recueil Littérature engagée (1950), qui rassemble les articles, discours, lettres ouvertes de cette période (1930-1937), est un document exceptionnel sur l’époque: on peut y lire, parallèlement aux dénonciations prophétiques du fascisme, son soutien aux républicains espagnols, les témoignages de son combat, comme cette lettre à Goebbels de janvier 1934 qui dénonce la falsification du procès des communistes après l’incendie du Reichstag.

Cette période peut paraître décevante sur le plan purement littéraire: retenons néanmoins L’École des femmes (1929), où, pour la première fois, l’image de la femme s’éloigne radicalement de l’angélisme et laisse apparaître la génération féministe qui, dans les années 1930, se fait entendre; il y a également Les Nouvelles Nourritures (1935), manuel d’évasion et de libération. Plus fondamental peut-être, pour comprendre le Gide de cette époque, est l’épilogue de ce combat qui se dénoue avec le voyage en U.R.S.S. en juin 1936, où il est accueilli par Staline, mais dont il revient comme l’un des premiers dénonciateurs des crimes communistes et du totalitarisme. Retour de l’U.R.S.S . (1936) et Retouches à mon retour de l’U.R.S.S sont des textes fondamentaux, encore aujourd’hui, en ce qu’ils constituent un modèle de la responsabilité de l’écrivain à l’égard de son engagement. Il est tout aussi important de relire les innombrables articles et lettres (réunis dans Littérature engagée ) que publie alors Gide pour se défendre des attaques et des calomnies que son revirement provoque dans l’intelligentsia de gauche de cette époque: traité de fasciste, insulté pour ses mœurs, dénoncé comme traître, Gide n’est pas le «grand bourgeois déçu» que l’on caricature alors; de même qu’après son retour d’Afrique, il redéfinit inlassablement les conditions éthiques du rôle possible que l’écrivain peut et doit tenir au sein de la société.

Cette période se clôt en 1938, avec la mort de Madeleine Gide, qui va être pour lui l’occasion d’écrire Et nunc manet in te ..., dans lequel il médite solitairement sur cette relation si singulière avec celle qu’il a épousée. La Seconde Guerre mondiale va l’éloigner de la France, puisqu’il vivra en grande partie en Tunisie.

De la guerre au prix Nobel

En 1939, Gide a publié le premier volume de son Journal (1889-1939), qui va constituer pour lui l’espace essentiel d’écriture des dernières années de sa vie. Son image de «démoralisateur de la jeunesse» auprès du régime pétainiste, ses combats passés le maintiennent à distance de toute compromission, même si, les premiers mois, Gide, comme beaucoup, vit la défaite de la France dans le plus grand désarroi. Il rompt très rapidement avec La N.R.F ., passée aux mains de Drieu la Rochelle, et, en 1941, est empêché physiquement par des collaborateurs de prononcer une conférence sur Henri Michaux, qu’il vient de découvrir. Outre son Journal , Gide, pendant cette période, traduit Hamlet (1944). C’est là aussi une dimension de l’écrivain qu’on a tendance à oublier: cette attirance pour les littératures étrangères qui l’a déjà amené à traduire Conrad, Tagore, Blake, Pouchkine, Whitman... Ces dernières années sont aussi pour lui l’occasion de renouer avec un thème qui le hante depuis longtemps: la figure du héros grec Thésée, dont il fait le personnage principal de son dernier récit publié sous ce titre en 1946. Ce qui l’attire dans Thésée, c’est l’image de l’aventurier auquel, malgré ses apparentes allures de moraliste, il s’identifie pleinement: «Je ne suis peut-être qu’un aventurier», écrivait-il dans son Journal . Gide avait déjà manifesté sa sympathie pour la manière dont Œdipe avait vaincu le Sphinx (notre monstre intérieur). Mais Thésée va plus loin, selon lui, dans sa puissance presque nietzschéenne qui l’amène à s’affranchir des lois, du passé, des contraintes. Thésée est l’homme libéré de la mauvaise conscience, du ressentiment: vainqueur du labyrinthe et du Minotaure, il est aussi celui que l’ardeur à jouir des choses amène également à passer perpétuellement outre, jusque dans l’abandon d’Ariane à Naxos. Ce bref récit est une sorte de testament au travers duquel, par un dernier hommage à l’Antiquité grecque, Gide questionne à nouveau l’homme contemporain et traque ses dernières peurs comme ses ultimes possibles.

En 1947, Gide obtient le prix Nobel de littérature, mais refuse, malgré les pressions, d’entrer à l’Académie française, et consacre son temps à écrire l’adaptation du Procès de Kafka pour le théâtre, que Jean-Louis Barrault mettra en scène. Il meurt le 19 février 1951 d’une congestion pulmonaire.

L’influence de Gide est difficile à apprécier, tant son œuvre est protéiforme, contradictoire et dérangeante. Cette perpétuelle oscillation, ce jeu de duplicité, ce désir perpétuel de surprendre a créé davantage une constellation de lecteurs qu’une phalange de disciples fanatiques. Pourtant, toute une génération s’est laissé prendre à la séduction de ses divers masques: Roland Barthes, Jean-Paul Sartre, Jacques Lacan, Maurice Blanchot, Alain Robbe-Grillet et tout le nouveau roman... Ce que les contemporains peuvent retrouver en lui, c’est, au-delà du moraliste et de l’immoraliste, une écriture totalement ouverte à l’énigme du désir, au questionnement sur soi et à la mobilité perpétuelle de l’être.

Источник: GIDE (A.)

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