Книга: Milton J. «Paradise Lost»

Paradise Lost

Джон Мильтон "Потерянный рай" на английском языке. Серия книг" Palmyra Classics" -это бессмертные произведения великих мастеров пера, написанные ими на их родном языке. Книги из этой серии помогут читателю углубленно изучать иностранные языки, обогатят его внутренний мир и по-новому откроют произведения известных классиков.

Формат: Мягкая глянцевая, 254 стр.

ISBN: 9785521001996

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MILTON (J.)

MILTON (J.)

L’image que le public a le plus volontiers retenue du poète puritain Milton est liée soit à la pensée révolutionnaire qui voulut saluer en lui un régicide, soit au romantisme qui reconnut en Satan le véritable héros du Paradis perdu. Mais le rayonnement que Milton a pu connaître en France, de Vigny à Hugo, ne rend pleinement justice ni à son œuvre ni à sa personne. L’optique du siècle des Lumières, l’engouement romantique relèvent d’une tradition intellectuelle éloignée du courant judéo-chrétien qui anime le XVIIe siècle anglais. Le poète échappe ainsi aux cadres de réflexion d’une époque qui avait renoncé, en tout ou en grande partie, à l’humanisme biblique et médiéval. Or, depuis 1945 environ, un renouveau d’intérêt pour les études miltoniennes s’est fait jour dans les pays anglo-saxons. «Les mythes de la Genèse, fait remarquer Helen Gardner, écartés comme histoire, sont revenus chargés de symbolisme pour décrire la condition humaine et la réponse venue de Dieu.» Le lecteur du XXe siècle à qui les secousses de l’histoire ont appris la vanité de bien des rêves utopiques, retrouve, sous l’archaïsme de la cosmogonie miltonienne, une image grandiose du drame humain de la volonté de puissance qui a mis en question nos civilisations. Le renouveau de l’exégèse biblique contribue aussi à mieux éclairer l’interprétation poétique des vieux textes, à les replacer dans une époque qui leur prêtait autant d’autorité, sinon davantage encore, que les légendes antiques: Moïse, croyait-on, avait devancé Homère. Milton se dégageait de l’allégorisme qui avait inspiré Dante; l’image que lui offrait la Genèse, le livre le plus souvent commenté en son temps, l’aidait à donner un sens à l’histoire. Saint Augustin lui avait aussi légué sa vision cosmique du salut, héritage qu’il avait en commun avec le Moyen Âge, récusant seulement le magistère de l’Église romaine. Au centre de sa pensée se situe l’homme, image de Dieu, mais non son égal, victime de la prévarication d’Adam, mais promis à la rédemption.

Serviteur de la poésie

Né au cœur de la cité de Londres, John Milton fut élevé selon les traditions les plus rigoureuses de la pédagogie humaniste. Son père, tabellion de haute intégrité, y veilla de bonne heure et le confia à un précepteur puritain; il aimait lui-même la poésie et jouait de l’orgue. Le jeune homme apprit qu’il ne devait pas gaspiller son talent, tandis qu’il étudiait les lettres classiques et s’enchantait à lire La Reine des fées , le grand poème allégorique de Spenser, son «docte et sage» devancier. En quittant l’école Saint Paul, il entra à Christ’s College à Cambridge, en 1625. Un portrait le représente portant collerette et le visage paré de boucles châtain: on l’appela «la demoiselle» du collège. Il accepte la discipline scolastique, apprend à disserter en latin comme le feront en anglais les personnages de ses deux poèmes épiques. Il compose des élégies latines et écrit en 1629 son premier grand poème, l’Ode au matin de la Nativité (On the Morning of Christ’s Nativity ), où l’on reconnaît la complexité baroque du temps et une spiritualité marquée de néo-platonisme, avec la gravité déjà sublime du chantre biblique. Son père s’étant retiré à Horton (Buckinghamshire), il y séjourne avec lui au sortir de l’université en 1632, pour affermir sa vocation de poète. Il a renoncé à entrer dans le clergé anglican car les événements politiques ont décidé de son choix: le royaume spirituel auquel il pense ne peut selon lui admettre la hiérarchie d’une Église temporelle. En effet, Charles Ier (1625-1649) incline à imiter les pratiques romaines, sous la conduite de l’archevêque Laud. Milton, d’autre part, est trop érudit pour s’accommoder du fanatisme puritain, iconoclaste et désespéré. Son choix le porte cependant vers les partisans du Parlement, rebelle à l’autoritarisme royal et hostile au courant d’immoralité qu’encourage la reine Henriette: il n’ira pas toutefois jusqu’à approuver l’avocat londonien William Prynne, qui fustige avec verve les jeux du théâtre dans l’Histriomastix (1632) et se fait condamner à l’essorillement. Au cours de ces années d’études et de réflexion sur le combat politique qui se prépare, le poète affermit son dessein: la poésie sera pour lui un ministère. Les poèmes de cette période, close en 1638 par un voyage sur le Continent, se situent dans la tradition pastorale. L’Allegro et Il Penseroso (1631-1632) sont inspirés par une philosophie de la nature qui les rattache assez bien aux dernières pièces de Shakespeare; la langue, d’une rare densité, est imprégnée de mythologie classique; plus encore que le contraste entre la joie et la mélancolie, Milton décrit ici le jeu savant de l’esprit qui médite devant le spectacle de la nature et s’élève aux sphères supérieures. Sans céder aux illusions d’un quelconque idéalisme, comme le fera Marvell, il se montre capable d’accéder à cette «lumière intérieure» qui illuminera Le Paradis perdu (Paradise Lost , 1667). Les deux courts poèmes évoquent le cycle d’une journée rustique, marquée par le rythme des travaux des champs, dans une nature tour à tour sereine et mélancolique. La véritable joie est dans la liberté de l’esprit qui choisit ses propres thèmes. L’engouement dont témoigne volontiers la poésie anglaise du XVIIIe siècle pour Il Penseroso , en raison de certaines évocations gothiques, ne rend pas pleinement justice au symbolisme orphique du poème.

Comus (1634) est avec une plus courte pièce, Arcades , une œuvre de circonstance. Le goût du jour pour les masques venus d’Italie s’était étendu à l’Angleterre de la Renaissance, et la cour de Charles Ier aimait le spectacle; mais le genre avait dégénéré. Or Comus , écrit pour le comte de Bridgewater, en l’honneur de son installation de Lord President au pays de Galles, est une œuvre de maître. Le thème est allégorique: la délivrance d’une jeune fille égarée dans un bois et aux prises avec un malin génie, Comus, fils de Bacchus et de Circé. La chasteté est la meilleure défense contre les sortilèges; mais il faut le secours de la déesse de la Severn (Sabrina) pour libérer la jeune victime. Les discours de celle-ci sur l’harmonie dans l’univers et son refus du chaos préfigurent par leur gravité la réponse que fera, dans Le Paradis reconquis (Paradise Regained , 1671), le Christ au Diable quand il lui offrira de changer les pierres en pain; elle refuse les dons les plus alléchants en fonction des mobiles qui inspirent le donateur. La nature cependant garde ici un rôle sacramentel, magique; au centre de Comus se trouve un miracle neptunien qui distingue le masque d’une œuvre proprement religieuse. La beauté du spectacle, mis en musique par Henry Lawes, rend superflu tout recours au merveilleux chrétien.

Plus engagée dans la vie contemporaine, non moins grave et plus dramatique est l’élégie dédiée à Edward King, étudiant à Cambridge, qui avait péri dans un naufrage: Lycidas (1637), poème pastoral gonflé de pensées et de réflexions sur le présent autant que sur le sens de la vie. Milton se demande s’il n’est pas temps pour lui de briser le pipeau arcadien et d’entrer dans le combat contre Laud et le roi. Les Écossais ont signé entre eux une alliance (covenant ) contre l’absolutisme royal et le clergé anglican. Milton, usant du déguisement conventionnel imposé par le genre, évoque les «mauvais bergers», menacés du jugement de Dieu: le temps de l’action est proche, bien plus, la renommée n’est que vaine gloire. Milton passe de Comus à Lycidas , d’un monde lumineux à une vision religieuse et politique très nette, avec la certitude que sa vocation l’appellera bientôt à ne plus écrire «que de la main gauche», c’est-à-dire à écrire de la prose, presque exclusivement.

Humaniste et libéral

Milton a le privilège d’entreprendre son «grand tour» en 1638, muni de lettres de recommandation auprès des gens de cour et surtout des gens de lettres. Il traverse la France et visite les cités italiennes, en passant par Florence, Bologne, Venise. Il franchit sans doute la forêt de Vallombrosa qu’il évoquera dans Le Paradis perdu , souvenir lumineux du poète alors devenu aveugle. Il allait partir pour la Grèce quand la guerre civile l’incita à rentrer à Londres, «préférant la reine Vérité au roi Charles». Avait-il déjà le dessein d’écrire une épopée chrétienne? Divers projets le laissent penser; Voltaire (Essai sur la poésie épique ) rapporte que Milton aurait vu à Milan une comédie intitulée Adam ou le Péché originel dont il aurait décidé de faire une tragédie.

La tragédie politique se jouait alors entre «cavaliers» et «têtes rondes»; gagné par la fièvre de controverse sur les problèmes du gouvernement de l’Église, l’histoire d’Angleterre et la doctrine chrétienne, Milton allait y participer en écrivant, entre 1641 et 1660, vingt-neuf livres ou pamphlets. Plusieurs furent d’abord écrits en latin. Dès son retour en Angleterre, les presbytériens écossais avaient pris les armes contre les évêques anglicans qui soutenaient le roi de droit divin Charles Ier. Milton rédigea alors cinq traités: La Raison du gouvernement de l’Église (Reason of Church-Government Urged against Prelaty , 1641) est le plus célèbre. Puis, les presbytériens eux-mêmes s’avisant d’instituer la censure politique, il publie Areopagitica (1644): «Autant supprimer un homme que de supprimer un livre»; l’argument portera, la censure ne fut pas appliquée en Angleterre; Mirabeau devait traduire l’ouvrage. La même année, Milton écrit De l’éducation (Of Education ), inspiré en partie par les idées du Tchèque Comenius, son contemporain. Deux années plus tôt, le poète avait épousé Mary Powell, de parents royalistes qui avaient vu en lui un beau parti; c’était de sa part s’exposer, aurait dit La Fontaine, «au plus grand des hasards». Comme l’Adam du Paradis perdu , il avait cédé, «fou d’amour, au charme de la femme». Selon lui, «le véritable amour affine la pensée», comme dira l’ange Raphaël à Adam troublé par la beauté. Les traités sur le divorce, Tetrachordon et Colasterion (1645), Jugement de Martin Bucer sur le divorce (The Judgment of Martin Bucer concerning Divorce , 1644), proclament que le mariage ne peut être fondé que sur une harmonie spirituelle. Mary avait fui la maison conjugale; puis, la victoire de Cromwell à Naseby en 1645 annonçant les revers des royalistes, la famille Powell vint offrir la soumission de Mary. Elle donna trois filles à Milton.

Aussitôt après la décapitation de Charles Ier (janvier 1649), Milton fut nommé secrétaire aux langues étrangères. Ses tâches nouvelles lui permirent de prévenir quelque précipitation dans les vengeances politiques; il sauva ainsi le poète Davenant, filleul de Shakespeare. En décembre 1649, il composait Le Pouvoir des rois et des magistrats (The Tenure of Kings and Magistrates ), où il justifiait la suppression de tout tyran, puis Eikonoklastes pour défendre les parlementaires contre les royalistes, et un autre traité contre un certain Saumaise, protestant qui, de Hollande où s’était réfugié le fils de Charles Ier, vitupérait les puritains régicides. La tâche fatigua ses yeux, fragiles depuis 1644. En 1651 paraissait le Leviathan de Hobbes, en exil à Paris, tandis que la renommée de Milton parvenait jusqu’en Grèce. Pourtant il s’en fallait que le secrétaire de Cromwell fût sans réserve son homme lige. Il ne voulait pas croire, à l’inverse de Hobbes, en la nécessité du tyran, mais il pensait bien que les «saints», comme on appelait les puritains, ne pouvaient hériter de la terre d’Angleterre; il ne suivait pas les hérésiarques, chiliastes et niveleurs, dont les idées ne furent pas sans influence sur la Terreur en France. Il devait aussi adresser des admonestations (Defensio secunda pro populo anglicano , 1654) au protecteur dont le réalisme l’inquiétait, comme Bossuet, mais pour d’autres raisons. Le poète Andrew Marvell avait aussi percé à jour, avec une habile ironie, l’impatience d’un chef qui se voulait l’homme de l’histoire. Mais la fin du protectorat ne laissait pas de troubler Milton qui écrivait à un correspondant étranger, en 1659, quelques mois après le retour du roi Charles II: «Cette discorde civile ou plutôt cette folie nous laissera aux mains des ennemis de la liberté et de la religion.» Il pouvait craindre le pire, après avoir soutenu la République; mais il n’avait jamais mis sa confiance dans le pouvoir des armes. On a pu voir dans la déroute de Satan, au livre I du Paradis perdu , l’image épique de la rétribution de ceux qui, comme les puritains, avaient mis en cause l’ordre naturel du monde. Mais rien non plus ne pouvait faire croire à un éloge, même prudent, du régime nouveau. Milton restera un isolé dans sa grandeur.

Poète biblique

Les sonnets anglais (ainsi que les sonnets italiens) permettent de suivre le poète, condamné pourtant à écrire en prose pendant cette période, et d’y retrouver l’homme privé autant que le citoyen jusqu’en 1652. Le sonnet Sur le récent massacre des Vaudois du Piémont (On the Late Massacre in Piedmont , 1655) par les troupes du duc de Savoie traduit l’espoir que les soldats responsables du martyre suscitent à leur insu une armée de fidèles qui quitteront «Babylone et ses malheurs», c’est-à-dire la cité (ou l’Église) injuste et sanguinaire. Celui qu’il dédie à Henry Lawes témoigne de l’amitié qu’il éprouve envers le musicien qui avait composé Comus avec lui. Les deux sonnets sur sa cécité expriment avec la noblesse d’un Job le sens que peut avoir l’épreuve pour le poète voué à une grande tâche et qui, par excès de labeur, avait perdu la vue dès 1652. Au seuil du livre III du Paradis perdu , il évoquera la «céleste lumière» qu’il sait ne pouvoir plus revoir, non plus que «les éclosions d’avril». Mary Powell était morte en 1652; Milton se remaria en 1656 avec Catherine Woodcock qui devait mourir en couches quinze mois plus tard. Entre-temps, il avait commencé son œuvre épique par un prologue, le discours de Satan au soleil, qui aurait constitué le prologue d’un drame. Les six premiers livres du Paradis perdu furent écrits avant le retour de la monarchie en 1660.

«Le Paradis perdu»

Pour saisir l’unité du poème, il faut comprendre comment Milton entendait faire «œuvre jamais encore tentée» (liv. I, 16); les Hexamérons depuis le IVe siècle et les Semaines de Guillaume du Bartas, dont l’influence fut immense en Angleterre, plaçaient Dieu au centre de l’histoire: Milton y mettait l’homme et non seulement l’Adam mythique, mais l’humanité entière et le lecteur moderne. Cela dit, le poète chrétien n’a d’autre thème à développer que ce qui lui est déjà révélé: il dénombre les beautés de la création que le Démon voudrait anéantir pour y susciter un monde dont il serait l’artificier, un mirage romantique et pervers. La transgression, c’est refuser la réalité d’une création bonne, suivre la fantaisie et non la raison, c’est-à-dire une raison naturellement éclairée par Dieu. Satan apparaît ainsi comme la parodie du héros épique, tel Ulysse ou Achille, et l’image agrandie du scélérat du drame élisabéthain qui a fait du mal son souverain bien et qui doit se déguiser pour survivre.

L’épopée ne suit pas une progression chronologique. Le livre III expose le dessein de Dieu, qui proclame la gloire de son Fils; celle-ci provoque la colère des anges rebelles et la guerre éclate au Ciel; les anges de perdition sont jetés en enfer (liv. I et II) où Satan fait monter sa plainte et entendre sa décision de ne pas céder. Puis survient la création d’Adam et d’Ève (liv. V à VIII). Satan conspire alors contre le premier couple; il rôde autour de l’Éden (liv. IV), puis entre au Jardin, déguisé; reconnu, il s’enfuit: on dirait un masque, une répétition de la véritable tentation décrite au livre IX où, selon l’expression du poète, le lecteur passe du plan cosmique au plan domestique. L’action est engagée, combat combien rude et plus actuel, pense Milton, que celui d’Achille sous les murs de Troie: l’enjeu en est la volonté de l’homme de l’histoire, et non pas seulement celui du mythe de la Genèse, où l’être, voulant devenir Dieu, a renoncé aux chaînes de la liberté. Le principal acteur est ici Satan qui, comme dans le Livre de Job, a licence de parcourir la terre pour susciter le doute chez la créature humaine; il s’adresse à Ève comme un courtisan à sa maîtresse et l’exalte comme une idole, la promettant à un plus digne sort que celui que Dieu lui a assigné dans un étroit Éden. Le fruit qu’il l’invite à cueillir représente dès lors le sacrement qui lie l’humanité au Démon. La nature tout entière est blessée et tremble quand la main d’Ève saisit le fruit, source d’illusion et d’égarement sensuel. Le désespoir accompagne la rencontre du couple condamné à cette liberté-là. Leur départ du Paradis terrestre rappelle le tableau de Masaccio, comme l’Enfer les évocations fantastiques de Bruegel, cruelle dérision de l’ordre de la création, où le raisonnement n’engendre que l’ennui, au sein d’une splendeur qui fit dire à tort: «Milton est du parti du Diable sans le savoir» (Blake).

Aux livres XI et XII, alors que la mort s’est avancée, Adam et Ève ont demandé grâce à Dieu qui accepte leur repentir. L’épopée de l’humanité commence; suit l’évocation de l’histoire, depuis la tour de Babel, l’aventure de Nimrod préfigurant celle des Empires, puis la venue du Christ. La tête du serpent sera écrasée. «Un paradis intérieur deux fois plus heureux» sera accordé à l’homme. Ces deux derniers livres font apparaître que l’Éden devait être détruit sans qu’aucune nostalgie ne soit associée à sa disparition; autrement, il se serait confondu avec l’utopie, le rêve d’un monde sans contrainte ni discipline. L’Éden n’est donc pour Milton que la préfiguration d’une harmonie intérieure parfaite.

De l’image laissée par le poète de la vie du couple en Éden et de leur transgression faut-il conclure qu’Ève soit, comme Pandore, la source de tous les maux de l’humanité? Ce serait oublier le respect que Milton portait à la femme. Ève représente un mystère et une promesse, à l’inverse de la Dalila de Samson Agonistes , «monstre d’une beauté trompeuse». Sa faute est d’avoir cédé au mirage, de s’être laissé guider par sa fantaisie; la concupiscence n’est qu’une forme de la cupidité ainsi définie par un théologien médiéval: «Aimer une créature ou bien sans Dieu ou bien au-dessus de Dieu.» Le péché d’Adam est d’avoir accepté le fruit, signe désormais de leur vie solitaire et menacée. Milton n’avait nullement, comme le croyait le Dr Johnson, un mépris de Turc pour la femme; il fondait l’unité du couple sur une harmonie spirituelle et adoptait la pensée de saint Paul. Ève lui apparaissait comme «le dernier don du Ciel» (Paradis Perdu , V).

«Le Paradis reconquis»

Lorsque le grand poème parut (1671), Milton se tenait à l’écart de la vie politique, sans être inquiété, depuis l’avènement de Charles II en 1660. En 1663, il avait épousé Elizabeth Minshull, et sa vie était devenue plus paisible qu’elle n’avait pu l’être en la compagnie de ses trois filles, qu’il avait jugées ingrates envers lui. Il avait quitté Londres en 1665, quand y sévissait la peste, pour se retirer à Chalfont Saint Giles où il composa Le Paradis reconquis. L’incendie de Londres en 1666 épargna sa maison dans Bread Street où il continuait à travailler. Les quatre livres du second poème biblique (1671) constituent une méditation ordonnée, comme l’avait été Comus , entre le bien et le mal, mais cette fois non plus sous la forme d’allégories imprégnées de platonisme, car le cadre du poème est le désert où pendant quarante jours le Christ fut tenté. Tandis que la présentation du fils de Dieu aux anges dans le livre III du Paradis Perdu avait provoqué la rébellion de Lucifer, c’est ici la chute dernière de celui-ci qui est annoncée quand, après avoir douté de la présence divine en la personne du Christ, il est précipité par lui à terre, «comme Antée par Hercule». Les tentations, selon le texte évangélique que Milton suit et développe, permettent au poète de reprendre dans une langue encore robuste et d’un éclat plus sobre, son argumentation sur la place du citoyen puritain dans un monde qui lui devient étranger. Les rêves de la théocratie de Cromwell, aussi bien que la vanité mondaine de la cour corrompue, l’inclinent à ne plus chercher que la sagesse biblique et à proscrire à la fois une culture et une civilisation qui refusent le pari de la totale liberté dont le Christ est l’exemple.

«Samson combattant»

Samson Agonistes (1671) est une tragédie hébraïque dans le style d’Euripide. Milton présente le héros du Livre des Juges, victime de Dalila la païenne, tandis qu’«aveugle, attaché à la meule, à Gaza avec les esclaves», il attend l’heure où, ébranlant les colonnes du temple de Dagon, il écrasera ses maîtres les Philistins. La grandeur du poème tient à cette ultime synthèse entre le génie classique et l’inspiration hébraïque de Milton. Samson, en proie à la douleur, aveugle comme le poète, dupe de Dalila, crie comme Job dans les «doubles ténèbres» qui l’enveloppent: il refuse la fatalité du drame antique et laisse paraître que sa patience ne se confond pas avec la sagesse stoïcienne; une dernière fois, Milton, par la voix de son héros, «justifie les voies de Dieu devant les hommes» en une langue qui se pare de la «tristesse majestueuse de la tragédie», selon Racine.

Après la défaite de la cause puritaine, Milton écrivit quelques traités encore et traduisit la Logique de Pierre de La Ramée; son traité De la doctrine chrétienne (Christian Doctrine ) ne fut découvert qu’en 1825. Il vivait à l’écart, et pauvrement, visité de quelques amis, le poète lauréat Dryden et Marvell. Il mourut le 8 novembre 1674 et repose dans la cité de Londres, en l’église Saint Giles, Cripplegate. La renommée du poète fut considérable au XVIIIe siècle; on sait que Haydn s’inspira du Paradis perdu pour composer La Création. T. S. Eliot devait reconnaître, en 1947, que sa véritable grandeur était d’avoir aidé l’homme à défendre la liberté. Son humanisme chrétien, qui s’inscrit en faux contre le pessimisme de Hobbes, est plus libéral que celui de Luther, mais il prévient les illusions du siècle des Lumières. En ce sens, il appartient à la conscience européenne moderne.

Источник: MILTON (J.)

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