HUXLEY (A.)
HUXLEY (A.)
HUXLEY ALDOUS (1894-1963)
L’abondance de l’œuvre — poèmes, essais et romans —, la force de la personnalité et l’originalité de l’itinéraire intellectuel assurent une place de choix à Aldous Huxley dans le panthéon des écrivains britanniques. Il a été l’un des plus brillants intellectuels de sa génération en Angleterre. Son grand-père Thomas Henry Huxley était un biologiste célèbre et son père, Leonard Huxley, dirigeait la Cornhill Review . Par sa mère, il était le petit-neveu de Mathew Arnold et parent de la romancière Humphry Ward. Son frère Julian sera le premier directeur de l’U.N.E.S.C.O.
C’est après d’excellentes études secondaires à Eton qu’Aldous Huxley est soudain frappé par une infection de la rétine. Il a lui-même expliqué qu’être devenu presque complètement aveugle à l’âge de seize ans a constitué l’événement le plus important de sa vie. En fait, son destin tout entier s’est noué autour de cette cécité. Elle l’oblige en effet à s’isoler pendant les années critiques de l’adolescence, et à se tourner vers ses «ressources intérieures». C’est de cette vie intérieure intense, exaltée par la maladie, qu’est sortie la recherche spirituelle constante qui a marqué la vie et l’œuvre d’Aldous Huxley. En quelques mois, il apprend le braille, et peut se remettre à lire. Il pourra aussi taper à la machine. Il compose ainsi tout un roman, tapant un fragment après l’autre, mais il en égare le manuscrit. Pourtant, il applique surtout sa volonté à guérir. C’est à force d’exercices qu’il recouvre la vue au bout de trois ans. Mais toute sa vie, il sera sujet à des troubles et à des rechutes.
Sa maladie était survenue au moment où il entamait des études de biologie avec l’intention de devenir médecin. Lorsque à dix-neuf ans il peut reprendre ses études, sa santé ne lui permet pourtant pas de poursuivre une carrière scientifique, et il s’oriente vers la littérature. En 1915, il obtient un diplôme d’Oxford en littérature et en philologie. Son infirmité lui a épargné d’être mobilisé et de faire la Première Guerre mondiale.
Après des poèmes de jeunesse,
La Roue de feu (
The Burning Wheel , 1916),
La Défaite de la jeunesse et autres poèmes (
The Defeat of Youth and Others Poems , 1918),
Leda (1920) et des nouvelles (
Limbo , 1920, publié dans
Dépouilles mortelles ), Aldous Huxley publie ses premiers romans:
Jaune de chrome (
Crome Yellow , 1921),
Cercle vicieux (
Antic Hay , 1923), et surtout, après d’autres de moindre importance,
Contrepoint (
Point Counter Point , 1928),
et Le Meilleur des mondes (
Brave New World , 1932).
Cette première période est marquée par le scepticisme, la désillusion et le pessimisme. «Swift, a-t-il écrit, n’a jamais pu pardonner à l’homme d’être à la fois un mammifère vertébré et une âme immortelle.» Cette formule s’applique aussi bien à Huxley lui-même. Cette dualité tragique de l’homme n’a, en effet, pas cessé de le hanter, et détermina peut-être son amitié pour D. H. Lawrence, qui affirmait, lui, à travers toute son œuvre, que «l’homme est un, corps et âme». Aldous Huxley a d’ailleurs peint Lawrence dans
Contrepoint sous les traits du peintre Marj Rampion (Lawrence trouva le personnage «
assommant»!).
C’est dans
Le Meilleur des mondes que ce pessimisme s’explicite le plus manifestement sous la forme d’une contre-utopie. Dans un avenir où l’on datera les années selon une ère nouvelle, remplaçant l’ère chrétienne par celle de Ford, la civilisation de la machine reçoit sa puissance suprême des progrès de la biologie: les hommes, fabriqués en bocaux dans de gigantesques laboratoires, sont rigoureusement conditionnés psychologiquement en classes selon les besoins planifiés (
tâches subalternes, travaux techniques, postes gradués de commandement) d’une société que dirigent totalitairement quelques individus supérieurs biologiquement déterminés; chaque être humain est parfaitement satisfait d’appartenir à sa classe, qu’elle soit inférieure ou supérieure, et peut se procurer toutes les jouissances adéquates au conditionnement de sa classe.
Contrepoint (qui se ressent de l’influence gidienne des
Faux-Monnayeurs ) est une tentative attachante et complexe pour entrecroiser les destins de quelques membres de l’intelligentsia londonienne. Quelques années plus tard,
Eyeless in Gaza (
La Paix des profondeurs , 1937) tente un autre entrecroisement, dans le temps cette fois; en regardant une poignée de photos éparpillées, un homme revit sans ordre de succession divers moments de sa vie: par cette négation du fil chronologique, est-il possible d’atteindre la persistance intime d’une individualité?
On a dit d’Aldous Huxley qu’il était un esprit trop brillant, trop intellectuel pour faire un bon romancier. Trop intelligent pour être «
sensible», il n’atteignait les sentiments et les passions qu’à travers une élaboration cérébrale. Et, peu à peu, il s’est détourné du roman pour se consacrer presque entièrement aux essais. Après un voyage qui le mène en Inde et au Népal, c’est dans un mysticisme d’inspiration orientale qu’il trouve une réponse à ses questions obsédantes. Il publie de nombreux essais, parmi lesquels
Ends and Means , 1938 (
La Fin et les Moyens ),
et The Perennial Philosophy , 1945 (
La Philosophie éternelle ). Dans une préface de 1946 pour
Le Meilleur des mondes , et dans
Brave New World Revisited , 1956 (
Retour au Meilleur des mondes ), il estime avoir péché par optimisme: la réalité sera, est déjà pire que ses prévisions. Toutefois, il conçoit une solution pour l’humanité: une petite collectivité, qui, par le mysticisme, s’efforcerait d’atteindre «la connaissance unitive du Tao». Dans un domaine proche, poussé par sa fascination pour la science, et peut-être aussi par son infirmité, il se penche sur les problèmes de la perception, et fait des expériences avec la mescaline. Il publie
The Doors of Perception , 1956 (
Les Portes de la perception ) et
Heaven and Hell , 1956, (
Le Ciel et l’Enfer ).
Il meurt d’un cancer en Californie, où il s’était établi pour soigner ses yeux, le même jour que John Kennedy.
Источник: HUXLEY (A.)