Книга: Yeats W B «Four years»

Four years

Серия: "-"

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Издательство: "Книга по Требованию" (2011)

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YEATS (W. B.)

YEATS (W. B.)

La personnalité de Yeats est aussi mouvante que son œuvre et ne se laisse pas cerner. On ne saurait parler des influences qu’il a subies (Blake, Donne, Spenser, Mallarmé, la pensée hindoue, celle de Boehme) ou de ses amitiés (Synge, Morris) sans aussitôt constater combien ce poète, un des plus grands de son siècle, s’élance au-delà d’elles: «au-delà de» pourrait constituer sa devise. Car, au-dessus de tout, Yeats met la puissance de la force imaginative qui donne à l’homme l’énergie nécessaire à la création de ses personnalités multiples; elle permet même de se forger une «image», un «masque», un «anti-moi» contraires à sa propre nature. Ce visionnaire, qui fut politicien, orateur, théosophe, journaliste, et l’un des fondateurs de l’Abbey Theatre, se préoccupa autant du passé (un passé archaïque, mythique, celui des légendes celtiques) que du présent (l’histoire, la cause de son pays) ou de l’avenir (création d’une conception nouvelle du théâtre, présence inspirée d’un univers imaginaire au-delà des temps). Il refuse toutes les limites: frontières entre le passé et le futur, entre l’humain et le surnaturel, entre la vie et la mort: «Il est même possible que seuls les morts possèdent la vie...» Le dessein principal de sa poésie et de son théâtre est d’atteindre à l’extase tragique où culmine la tension essentielle à son univers: «Les passions sont saintes et l’homme entrera dans l’éternité porté sur leurs ailes.»

Visions et évasions

S’il est né à Sandymount, dans la banlieue de Dublin, le lieu essentiel de l’enfance de William Butler Yeats est Sligo, où il a grandi entouré des membres de sa famille, les Yeats, les Pollexfen, les Middleton, qui tous contribuèrent au développement de cette côte de l’Irlande, petite société patriarcale où règne le grand-père, William Pollexfen, au tempérament violent, silencieux, solitaire, que Yeats enfant «confondait avec Dieu» comme il l’écrit dans Enfance et jeunesse resongées (Autobiographies I ). Cette peur de son grand-père marque le poète, qui raconte que l’image de son aïeul est toujours devant lui lorsqu’il lit Le Roi Lear : «Je me demande souvent si le plaisir que je prends à introduire des hommes passionnés dans mes pièces et dans mes poèmes est autre chose que son souvenir.» L’enfant acquiert vite l’habitude de rêver à la mer, aux navires, de vouloir exercer une puissance secrète qui lui permette d’affronter ce monde d’hommes: «Je ne me rappelle de l’enfance que ses chagrins.» Très tôt se développe en lui la foi en la toute-puissance de l’imagination, grâce surtout à la forte présence des êtres simples des ports et des campagnes, aux «histoires de servantes», aux légendes «grotesques ou tragiques». Dans ces récits, le surnaturel jouait un grand rôle, ainsi que dans les contes de fées «psychiques» entendus dans les chaumières près de Sligo, de Rosses ou de Ballisodare, et peut-être est-ce dès cette époque que s’élabore chez le poète un monde mystérieux d’êtres irréels, d’esprits inséparables des brumes irlandaises, délivrés de toute notion de temps humain, et qui séduisent irrémédiablement les créatures terrestres. Les voix de ces esprits appelés les Siddhe reviennent sans cesse; elles hantent les vivants même quand ils sont morts et les empêchent de goûter la paix du tombeau.

L’école ne séduisit guère cet enfant promis aux visions et aux évasions. Son père, John Butler Yeats, était peintre et avait participé au mouvement des préraphaélites. Il emmena sa famille à Londres quand William Butler avait neuf ans. Privé de ses montagnes et de ses lacs, celui-ci s’adapta difficilement à son école de Hammersmith, «endroit brutal et révoltant» où il collectionnait papillons et phalènes. Les retours à Sligo pendant les vacances confirmèrent la passion de l’adolescent pour son pays et pour les légendes celtiques. Les songes se précisent, le «désir de devenir magicien» est accentué par les premières lectures de poèmes faites par le père, et souvent l’enfant «rêve d’être tué au bord de la mer». Yeats parle peu de sa mère, tournée vers des réalités plus immédiates, mais il l’associait à tous les récits dont son imagination fut nourrie. Par contre, il est souvent question de son père dans les Autobiographies ; son influence fut déterminante, car il donna à son fils le goût de la poésie dramatique qu’il mettait au-dessus de toute autre. Puis la magie, le recours à l’occulte se mêleront curieusement chez Yeats avec sa libération de la tutelle du père. Vers 1883, époque où il se destine à la peinture et à la poésie et fréquente la Metropolitan School of Art, il rencontre John O’Leary, le fenian banni d’Irlande pour quinze ans, et le poète George Russel qui signait Æ. De ces années datent ses premiers vers, et son adhésion à des groupes adonnés à l’occultisme, la Société hermétique de Dublin, le groupe théosophique de Londres. Il assiste même à des séances de spiritisme, où il semble être un bon «médium». Ces intérêts le pousseront plus tard, en 1887, à fréquenter le salon de Mme Blavatsky à Londres. Il faut voir dans cette attirance passionnée pour les sciences occultes le refus d’une religion tiède et automatique contre laquelle il dressera «une religion nouvelle, presque une Église infaillible de tradition poétique». Son texte, Magie , de 1901 résumera l’importance de telles croyances; il y distingue trois doctrines qui sont au cœur de sa pensée: «que les frontières de notre esprit sont toujours mouvantes, que plusieurs esprits peuvent pour ainsi dire s’interpénétrer pour créer ou révéler un esprit unique, une énergie unique; que les contours de nos souvenirs sont tout aussi mouvants, qui appartiennent à une seule grande mémoire, la mémoire de la Nature elle-même; que ce grand esprit et cette grande mémoire peuvent être évoqués par des symboles».

À Londres il rencontre Oscar Wilde et William Morris, dont il tracera des portraits remarquables dans Le Frémissement du voile (Autobiographies II ). Il compose son premier long poème narratif, Les Errances d’Oisin (The Wanderings of Oisin , 1889), qui est publié grâce, en partie, à John O’Leary. Dans cette œuvre inspirée par la mythologie irlandaise, l’influence des romantiques, Coleridge et Shelley, et celle des préraphaélites sont encore prépondérantes. Mais Yeats s’est tôt détaché du pur romantisme pour se tourner, dans l’évolution continuelle d’une œuvre aux variations multiples, à la fois vers un réel dépouillé, sévère, et un monde de visions violentes, voire baroques. La découverte la plus marquante de ces années est celle de William Blake, dont en 1893 il édite les œuvres en collaboration avec E. Ellis, et chez qui il rencontre, notamment dans Le Mariage du Ciel et de l’Enfer , l’intime certitude que la progression de l’être n’est possible qu’à travers les contraires; c’est la lecture de Blake, surtout celle des Livres prophétiques , qui eut le plus de répercussions sur son œuvre, car «il est le premier écrivain des Temps modernes à démontrer l’indissoluble mariage de tout grand art avec le symbole».

Une autre découverte essentielle fut celle de Mallarmé, que Yeats connut à travers Arthur Symons, et de qui Walter Pater se rapproche par sa théorie esthétique parente de celle des symbolistes français. Mais si Yeats s’est intéressé à la pensée de Mallarmé pour ce qui est du symbole, si la figure d’Hérodiade le poursuit dans sa mythologie personnelle, les fins qu’il assigne au symbole différent et il écrira dans son journal en 1930: «Je n’aimais pas l’isolement de l’œuvre d’art. Ce que j’aurais voulu à travers le drame, à travers la réunion de la poésie et de la danse, à travers un chant qui fût aussi une parole [...] c’était de replonger l’œuvre d’art au sein de la vie sociale.» Car la vie sociale, la vie irlandaise, Yeats n’a cessé de s’en préoccuper, comme le montrent autant l’engagement de ses activités que ses amitiés et ses amours. Amitié de toute une vie avec Lady Gregory, qui fit tant pour la renaissance de la culture celtique, à laquelle dès 1893 Yeats avait consacré un recueil de proses narratives ou analytiques qui était comme un retour à des sources souvent populaires, Le Crépuscule celtique (The Celtic Twilight ). Amour violent et contrarié pour la belle révolutionnaire Maud Gonne qu’il rencontra en 1889 et qui lui inspira sans doute les poèmes d’amour du Vent parmi les roseaux (The Wind Among the Reeds , 1899). Il la demanda en mariage, mais elle lui préféra le révolutionnaire MacBride (qu’elle devait épouser en 1903 et qui devait mourir exécuté après l’insurrection de Pâques 1916). Les éclatantes figures féminines de son théâtre, les héroïnes de La Comtesse Cathleen (The Countess Cathleen , 1892) et de Cathleen ni Houlihan (1902), la reine violente et passionnée de Sur le rivage de Baile (On Baile’s Strand , 1904) sont des projections de cette femme tellement inoubliable pour Yeats qu’il voulut dans son âge mûr épouser sa fille Yseult.

Le masque et l’anti-moi

Dans ses activités, le souci de participer à la vie de son pays et d’en illustrer la cause se manifesta sur plusieurs plans. Il créa avec Lady Gregory un théâtre national irlandais qui allait devenir le célèbre Abbey Theatre, dont il devait être le directeur pendant des années. Il prit violemment parti pour Synge, qui fit tant en faveur du renouveau du théâtre irlandais, lors du scandale que suscita en 1907 la création à Dublin du Baladin du monde occidental , les Irlandais considérant leur honneur atteint par cette pièce qui tourne autour d’un parricide. L’histoire de son pays, qu’il s’agisse de sa politique ou de son évocation artistique, est au cœur de l’œuvre de Yeats qui reflète les événements cruciaux des luttes nationalistes irlandaises. On voit combien l’homme d’action coexistait avec le visionnaire. Ces antinomies profondes, ressenties comme nécessaires, il les a résolues à travers sa conception de l’anti-moi et du masque: il faut savoir être le contraire de ce vers quoi l’on est naturellement porté. Dans ses Autobiographies , faisant retour vers le passé, Yeats s’éloignera de ses premiers poèmes et avouera ne plus aimer que les vers où il s’est heurté «à quelque chose de froid, de dur, une image à l’opposé de ce qu’il est dans la vie quotidienne». C’est non seulement la résolution des contraires qui est le but du masque, mais la plongée dans un univers archaïque ou futur: la «doctrine du masque [l’a] convaincu que tout homme passionné [...] est lié en quelque sorte à une autre époque, historique ou imaginaire, et que là seulement il trouve des images qui éveillent son énergie». Dans nombre de ses poèmes, à côté de l’évocation de figures historiques réelles (Parnell, O’Leary, le major Gregory, Constance Markiewicz), Yeats met en scène de façon admirable des héros mythiques de l’Irlande, comme Cuchulain, Emer et Conchubar, qui animent un cycle de pièces échelonnées jusqu’à sa mort, Sur le rivage de Baile (1904), Deirdre (1907), Le Heaume vert (The Green Helmet , 1910), La Seule Jalousie d’Emer (The Only Jealousy of Emer , 1919) et La Mort de Cuchulain (The Death of Cuchulain , 1939). Enfin, il crée des personnages, tels Owen Aherne ou Michael Robartes, le visionnaire solitaire de la tour, qui sont de véritables porte-parole de ses songes, des catalyseurs de cette «énergie» psychique.

Après le refus d’Yseult Gonne, en 1917, Yeats épouse, la même année, George Hyde-Lees, qui allait se livrer à l’écriture automatique. Ils vivent alors dans une tour en ruine qu’ils restaurent, Thor Ballylee, non loin du domaine de Coole appartenant à Lady Gregory. Dans les années vingt, sous l’influence d’Ezra Pound, Yeats s’initie au n 拏 japonais. Il choisit cette forme de théâtre parce qu’elle est «aristocratique, indirecte et symbolique», que le décor y est presque absent et le tragique retenu à son apogée dans une immobilité aiguë. Alors que toute tragédie exprime le conflit entre le héros et les circonstances, ce que Yeats demande au drame inspiré par le n 拏, c’est de représenter l’insupportable tension résultant des conflits intérieurs, dont la danse et le chant mêlés donnent une image exemplaire dans ses Quatre Pièces pour danseurs (Four Plays for Dancers ). Dans deux de ses dernières pièces, Le Roi de la Grande Tour (The King of the Great Clock Tower , 1935) et Pleine Lune en mars (A Full Moon in March , 1935), l’effet scénique est d’autant plus frappant que c’est une tête décapitée qui chante dans un symbolisme évoquant le mythe d’Orphée.

Yeats a exposé sa pensée philosophique, mystique et mytho-poétique dans A Vision (1925, version définitive en 1937), où il élabore une véritable cosmogonie et une théorie des variations de la personnalité, des cycles de l’histoire et de l’évolution de l’âme. Un vocabulaire particulier, souvent hermétique, la réunion de tous les symboles du poète (les spires qu’il appelle les gyres , la roue, la Lune, expression de la subjectivité, le Soleil, expression de l’objectivité), la description des vingt-huit phases que l’homme doit traverser, la classification des êtres accompagnée de diagrammes géométriques font de ce livre difficile une sorte de testament spirituel qui culmine dans sa conception de l’anima mundi (l’âme universelle).

En 1923, Yeats reçut le prix Nobel. Il fut sénateur de 1925 à 1928. Après avoir publié le dernier tome de ses Autobiographies , composé plusieurs essais, notamment sur la mystique hindoue, et atteint au sommet de son génie avec une série de poèmes d’une puissance fulgurante, qui font alterner la quête exaltée de Byzance et l’évocation de l’Irlande natale, Yeats meurt à Roquebrune alors qu’il venait de terminer La Mort de Cuchulain , une de ses pièces les plus fortes et qui exprime le mieux son culte de la tension dramatique et du conflit. Poète de la vision et de l’inspiration, Yeats n’a pourtant jamais cessé d’être conscient des fins qu’il assignait à son œuvre: «Je désire un art mystérieux, qui rappelle toujours, à ceux qui le comprennent, qui rappelle à demi les choses chèrement aimées, un art qui agit par la suggestion, et non par l’expression directe, un ensemble complexe de rythmes, de couleurs, de gestes [...] qui soit une mémoire et une prophétie.»

Источник: YEATS (W. B.)

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