SIENKIEWICZ (H.)
SIENKIEWICZ (H.)
Ce romancier, qui est l’écrivain polonais le plus lu à travers le monde aussi bien que dans son pays, s’est vu décerner les plus grands hommages – le prix Nobel (1905) en fut le couronnement – dans le même temps qu’il était l’objet d’appréciations très sévères qui mettaient en doute les valeurs artistique, esthétique et sociale de son œuvre.
C’est aux qualités épiques dont témoignent ses romans historiques que Sienkiewicz doit son succès et la place qu’il occupe dans l’histoire de la littérature, en dépit de la relative pauvreté intellectuelle et de l’absence d’une pénétration profonde de la signification des événements historiques qui caractérisent sa vision artistique du passé.
Le journaliste, l’écrivain, l’homme politique
Né à Wola-Okrzejska, en Podlasie, il était un représentant typique de cette intelligentsia urbaine qui avait ses origines dans la noblesse campagnarde et qui joua un rôle particulier dans la vie nationale et culturelle d’une Pologne privée de son indépendance pendant tout le XIXe siècle. Après des études de lettres à Varsovie, il s’engagea dans une activité de journaliste et d’écrivain. Ses premiers feuilletons annonçaient déjà un homme curieux de domaines culturels très divers, et doué d’une riche imagination. Son séjour aux États-Unis, où il vécut environ trois ans, menant une vie de chasseur et de nomade, enrichit son expérience, renforça son amour de la nature et le confirma dans l’idée qu’il se faisait de sa propre vocation d’écrivain. Outre un cycle de nouvelles, ses remarquables Lettres de Voyage (Listy z podró face="EU Updot" 勞y , 1876-1878) furent le résultat littéraire de ce séjour. Après avoir passé deux ans en France et en Italie, Sienkiewicz reprit son travail à Varsovie, qu’il quittait cependant fréquemment pour faire des cures dans des villes d’eaux étrangères ainsi que pour des voyages touristiques liés à ses projets littéraires, à Constantinople, en Grèce, en Afrique. En outre, il se livrait dans des articles à des réflexions théoriques sur son œuvre et sur la littérature contemporaine: les plus célèbres furent ceux où il prit position contre le naturalisme (1881) et où il se fit le défenseur du roman historique (1889).
Son œuvre romanesque jointe à son activité politique lui valut de vigoureuses attaques dirigées par les meilleurs critiques polonais de gauche. Sienkiewicz, jouissant, en Pologne d’abord, puis, grâce notamment au prix Nobel, à l’étranger, d’une exceptionnelle popularité, s’engagea en effet dans l’action politique, tant pour la défense des droits de la nation polonaise (son article dans la presse allemande où il décrit la politique impérialiste et nationaliste de Bismarck, sa lettre ouverte à l’empereur Guillaume II, sa participation à l’enquête internationale «Prusse et Pologne») que pour la défense de l’ordre social existant, menacé par la révolution de 1905.
Après le commencement de la Première Guerre mondiale, l’écrivain séjourna en Suisse où il organisa un comité d’assistance aux victimes de la guerre, comité dont l’action permit de sauver des milliers de vies.
Il mourut à Vevey; en 1926 ses cendres furent transférées en la cathédrale de Varsovie.
Le succès de Sienkiewicz fut et reste exceptionnel. Ses œuvres furent traduites en une quarantaine de langues, la bibliographie de ses traductions compte plus de deux mille titres. On a réalisé de nombreuses adaptations cinématographiques de ses romans (certaines suscitèrent d’ardentes discussions de la part des critiques cinématographiques et littéraires). Les nombreux travaux qui lui ont été consacrés en Pologne et à l’étranger montrent que son œuvre reste un phénomène vivant de l’histoire littéraire, et son succès, autant que les réactions contradictoires de la critique, témoigne qu’elle est autre chose qu’une simple curiosité historique.
Sienkiewicz et le roman historique
Les romans historiques de Sienkiewicz ont fait oublier ses nouvelles et ses romans d’inspiration contemporaine. Il écrivit plus de quarante nouvelles qui se distinguent par leur composition de caractère dramatique et par leurs épilogues: épilogues le plus souvent tragiques, parfois de comédie, mais qui trouvent toujours leur place dans l’architecture de l’œuvre. Certaines nouvelles de Sienkiewicz sont tout à fait remarquables, telles le Gardien de phare (Latarnik , 1882) ou les Mémoires d’un précepteur poznanien (Z pami きtnika poznánskiego nauczyciela , 1897). Ses romans d’inspiration contemporaine les plus connus sont: une tentative d’analyse du type de décadent, Sans dogme (Bez dogmatu , 1891), et une espèce de panégyrique de la bourgeoisie polonaise de souche noble et campagnarde, Rodzina Po face="EU Caron" ゥanieckich (1895).
Dans la dernière période de son existence, Sienkiewicz composa encore un remarquable roman d’aventures pour les jeunes Le Gouffre noir (W pustyni i puszczy , 1910).
Parmi ses romans historiques les plus célèbres, il y a d’abord sa trilogie: Par le fer et le feu (Ogniem i mieczem , 1883-1884), Le Déluge (Potop , 1886) et Messire Wolodyjowski (Pan Wolodyjowski , 1887-1888); ces romans évoquent les événements, en majorité militaires, dont la Pologne a été le théâtre, de 1648 à 1672, sous le règne du dernier Vasa, Jean-Casimir, et sous celui de Michel Korybut. Vient ensuite un récit du temps de Néron, Quo vadis? (1895-1896); enfin Les Chevaliers teutoniques (Krzy face="EU Updot" 勞acy , 1897-1900), dont le thème est le conflit qui opposa au XVe siècle la Pologne à l’ordre teutonique. À quoi s’ajoutent des œuvres de moindre valeur comme Au champ d’honneur (Na polu chwa face="EU Caron" ゥy , 1903-1905), évocation de la libération de Vienne par Jean Sobieski, ainsi que Les Légions (Legiony , 1913-1914), roman qui se déroule à l’époque napoléonienne.
Sienkiewicz sait fort bien utiliser les ressources de l’histoire, où il puise les éléments lui offrant une matière première spectaculaire. Il choisit donc de préférence de grandes scènes de bataille, ou des moments dramatiques où s’affrontent des héros représentant la raison d’État de deux camps opposés. Il se montre fidèle, et très consciemment, à la tradition des romans de Walter Scott, mais en même temps la renouvelle. Aux côtés des héros à demi fictifs de l’intrigue sentimentale, il place des personnages historiques qui prennent part aux conflits nationaux, sociaux ou religieux. Les uns comme les autres sont taxés d’un héroïsme surhumain, physique ou moral, ou au contraire ils apparaissent sous un aspect démoniaque et légendaire qui suscite la terreur. L’équité propre à l’épopée lui permet de doter de traits exceptionnels les héros du camp qui lui est proche (les Polonais ou les chrétiens) comme ceux du camp opposé. L’humour de Sienkiewicz contribue aussi pour une part importante à mettre entre l’auteur et ses personnages la distance caractéristique de l’épopée.
Les conflits les plus dramatiques et les situations apparemment sans issue sont sous-tendus par la foi dans le triomphe de l’héroïsme et du sacrifice au travers des pires infortunes. Cette conception est à l’origine de la grande popularité de Sienkiewicz. La mise en évidence de l’énergie vitale fondamentale à travers les lois de l’épopée, ou pour suivre certains critiques à travers les lois du conte légendaire, lui a valu le succès autant en Pologne qu’à l’étranger. Les lecteurs sont d’ailleurs maintenus dans un état de perpétuelle tension, car la répétition des épreuves sans issue comme des solutions miraculeuses qui permettent d’y échapper va de pair avec une surprenante variété des situations. Sienkiewicz reprend en effet, sciemment, des motifs très répandus dans la littérature, et par là même familiers aux lecteurs, mais en les marquant d’une touche personnelle et neuve. D’où la diversité d’une œuvre due à un talent incontestablement original.
Источник: SIENKIEWICZ (H.)